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je remarque, au contraire, pluſieurs experiences qui nous en doivent faire douter.

Vous fçavez bien que les paroles, n’ayant aucune reffemblance avec les choſes qu’elles ſignifient, ne laiffent pas de nous les faire concevoir, & fouvent 5 meſme fans que nous prenions garde au ſon des mots, ny à leurs fyllabes ; en forte qu’il peut arriver qu’aprés avoir ouy vn diſcours, dont nous aurons fort bien compris le ſens, nous ne pourrons pas dire en quelle langue il aura efté prononcé. Or, ſi des mots, qui ne fignifient rien que par l’inftitution des hommes, fuffi- fent pour nous faire concevoir des choſes, avec lef- quelles ils n’ont aucune reffemblance : pourquoy la Nature ne pourra-t’elle pas auffi avoir eftably certain figne, qui nous faffe avoir le ſentiment de la Lumiere, 15 bien que ce figne n’ait rien en foy, qui foit femblable à ce fentiment ? Et n’eft-ce pas ainfi qu’elle a eſtably les ris & les larmes, pour nous faire lire la joye & la trifteffe fur le viſage des hommes ?

Mais vous direz, peut-eſtre, que nos oreilles ne nous font veritablement ſentir que le ſon des paroles, ny nos yeux que la contenance de celuy qui rit ou qui pleure, & que c’eſt noſtre eſprit, qui ayant retenu ce que fignifient ces paroles & cette contenance, nous le repreſente en meſme temps. A cela je pourrois ré— 25 pondre que c’eft noftre eſprit tout de mefme, qui nous repreſente l’idée de la Lumiere, toutes les fois que l’action qui la fignifie touche noftre ceil. Mais fans 5-6 ſouvent meſme] c’eſt ſouvent meſmes. — 6 après prenions | nullement ajouté. — {{refa|4-14|14 pourra-t’elle | peut-elle. — après auſſi | bien ajouté. — 16 que ce fignel qu’il. qui foit de. — 25 jel ie.