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pour retarder le cours de la vieilleſſe, ſi on s’eſtoit aſſez étudié à connoiſtre la nature de noſtre corps, & qu’on | n’euſt point attribué à l’ame les fonctions qui ne dépendent que de luy, & de la diſpoſiion de ſes organes. 5

ii. Mais pource que nous auons tous éprouué, dés noſtre enfance, que pluſieurs de ſes mouuemens obeïſſoient à la volonté, qui eſt une des puiſſances de l’ame, cela nous a diſpoſez à croire que l’ame eſt le principe de tous. A quoy auſſi a beaucoup contribué 10 l’ignorance de l’Anatomie & des Mechaniques : car ne conſiderans rien que l’exterieur du corps humain, nous n’auons point imaginé qu’il euſt en ſoy aſſez d’organes, ou de reſſors, pour ſe mouuoir de ſoy-meſme, en autant de diuerſes façons que nous voyons qu’il ſe 15 meut. Et cette erreur a eſté confirmée[1], de ce que nous auons iugé que les corps morts auoient les meſmes organes que les viuans, ſans qu’il leur manquaft autre chofe que l’ame, & que toutesfois il n’y auoit en eux aucun mouuement. 20

iii. Au lieu que, lors que nous taſchons à connoiſtre plus diſtindemcnt noſtre nature, nous pouuons voir que noſtre ame, en tant qu’elle eſt vne ſubſtance diſtincte du corps, ne nous eſt connüe que par cela ſeul qu’elle penſe, c’eſt à dire, qu’elle entend, qu’elle 25 veut, qu’elle imagine, qu’elle ſe reſſouuient, & qu’elle ſent, pource que toutes ces fonctions font des eſpeces de penſées. Et que, puiſque les autres fonctions que quelques-vns luy attribuent, comme de mouuoir le cœur & les arteres, de digérer les viandes dans 30

  1. Voir, pour tout ce début. t. X, p. 13. l. 1 à p. 14. l. 10.