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Traité de l’Homme.

eſprits ne peuuent ſortir, s’accourcit, & E ſe rallonge ; & ainſi l’œil eſt tourné vers D. Comme, au contraire, ſi les eſprits qui ſont dans le cerueau tendent à couler auec plus de force par cg que par bf, ils ferment la 5 petite peau f, & ouurent g ; en ſorte que les eſprits du muſcle D retournent auſſi-toſt par le canal dg dans le muſcle E, qui par ce moyen s’accourcit, & retire l’œil de ſon coſté.

Car vous ſçauez bien que ces eſprits, eſtans comme 10 vn vent ou vne flame tres ſubtile, ne peuuent manquer de couler tres promptement d’vn muſcle dans l’autre, ſi toſt qu’ils y trouuent quelque paſſage ; encore qu’il n’y ait aucune autre puiſſance qui les y porte, que la ſeule inclination qu’ils ont à continuer leur 15 mouuement, ſuiuant les loix de la nature. Et vous ſçauez, outre cela, qu’encore qu’ils ſoient fort mobiles & ſubtils, ils ne laiſſent pas d’auoir la force d’enfler & de roidir les muſcles où ils ſont enfermez : ainſi que l’air qui eſt dans vn balon le durcit, & fait tendre les peaux 20 qui le contiennent.

| Or il vous eſt aiſé d’appliquer ce que ie viens de dire du nerf A, & des deux muſcles D & E, à tous les autres muſcles & nerfs ; & ainſi, d’entendre comment la machine dont ie vous parle, peut eſtre meüe en 25 toutes les meſmes façons que nos corps, par la ſeule force des eſprits animaux qui coulent du cerueau dans les nerfs. Car, pour chaque mouuement, & pour ſon contraire, vous pouuez imaginer deux petits nerfs, ou tuyaux, tels que ſont bf, cg, & deux autres, tels que 30 ſont dg, ef, & deux petites portes ou valvules, telles que ſont h fi, & g.