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Traité de l’Homme.

Caue (qui la conduit vers le cœur), & dans le ſoye, ainſi que dans vn ſeul vaiſſeau.

Meſmes il eſt icy à remarquer que les pores du ſoye ſont tellement diſpoſez, que lors que cette liqueur 5 entre dedans, elle s’y ſubtiliſe, s’y elabore, y prend la couleur, & y acquiert la forme du ſang : tout ainſi que le ſuc des raiſins noirs, qui eſt blanc, ſe conuertit en vin clairet, lors qu’on le laiſſe cuuer ſur la raſpe.

Or ce ſang, ainſi contenu dans les venes, n’a qu’vn 10 ſeul paſſage manifeſte par où il en puiſſe ſortir, ſçauoir celuy qui le conduit dans la concauité droite du cœur. Et ſçachez que la chair du cœur contient dans ſes pores vn de ces feux ſans lumiere, dont ie vous ay parlé cy-deſſus, qui la rend ſi chaude & ſi ardente, qu’à 15 meſure qu’il entre du ſang dans quelqu’vne des deux chambres ou concauitez qui ſont en elle, il s’y enfle promptement, & s’y dilate : ainſi que vous pourez experimenter que fera le ſang ou le laid de quelque animal que ce puiſſe eſtre, ſi vous le verſez goutte a goutte 20 dans vn vaſe qui ſoit fort chaud. Et le feu qui eſt dans le cœur de la machine que ie vous décris, n’y ſert à autre choſe qu’à dilater, échauffer, & ſubtiliſer ainſi le ſang, qui tombe continuellement goutte a goutte, par vn tuyau de la vene çaue, dans la concauité de ſon 25 coſté droit, d’où il s’exhale dans le poulmon ; & de la vene du poulmon, que les Anatomiſtes ont nommé l’Artere Veneuſe, dans ſon | autre concauité, d’où il ſe diſtribuë par tout le corps.

La chair du poulmon eſt ſi rare & ſi molle, & 30 touſiours tellement rafraiſchie par l’air de la reſpiration, qu’à meſure que les vapeurs du ſang, qui ſortent de la