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Supplément. 623

paroijfe au de [fus des forces humaines d'en rendre aucune

raifon, je fuis tellement accoujîumé d'apprendre de vous ce

que jefîimois impoffihle de fçauoir, que je ne defefpere pas

que vous ne me donnier^ quelque fatisfaclion. Mais, fumant

5 mon ordinaire méthode, j'cniends faire défendre la con-

noiffance que vous me donnere'^à la conduite de ma vie pour

en deuenir meilleur ; & pour cela je vous demande, Mon-

fieur, f vn homme de bien, dans le choix de fes amitie^,

peutfuiure (sic lire ces) J'es'mouucmens cache^ defon cœur

10 & de fon efprit, qui n'ont aucune raifon apparente ; & s'il ne commet point vne injujîice, de dijîribuerfes inclinations par vne autre règle que celle du mérite. Cette quejlion m'a exercé i efprit plus d'vne fois, en ce que, j'eparant l'amitié de deux chofes que l'on confond fouuent auec elle, dont

i5 Vvn[e) efl l'ejîime de la vertu, & l'autre cet ej'change d'of- fices mutuels auec les honnefles gens, qui n'ejî en effeéî qu'vn commerce de bienfaits, cette amitié refîe comme vne fimple liaifon & vn ciment, qui affemble tous les hommes en vnfeul corps & qui doit eflre d'égale force entre toutes les

20 parties; autrement, il cf. impoffible qu'il ne furuienne de la diui/îon, contre l'équité naturelle, & que, nous attachans trop fortement à quelques perfonnes, nous ne foyons infen- fiblement fepare:^ des autres. Je ne penfe pas qu'on peut refujer le nom de fage 'a celuy qui, mettant pour fonde-

25 ment en fon cœur vn amour égal pour tous les hommes, puifqu' ils font tous également hommes, adjoujîeroit feulle- ment par deffus la dijlincîion des mérites différents, & cette obligation de reconnoiffance dans le trafic des bons offices. Et quoy qu'alors l'eJlime de la vertu & la rétribution des

3o bienfaits fiffent qu'en apparence il femblajî en aimer plus ivn que Vautre, pource que ces trois affeclions fe méfient

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