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Supplément. 619

la luy faire voir. Je fus très aife que fa Majefîé eufî cette curiofité, afin qu'à la leélure de cette feulle pièce, elle con- nufl que tout ce que je luy auois diéî de voflre perfonne, ejîoit au deffous de la véritable eflime. Il efl vray auffy, 5 Monjieur, que, fans flatterie, elle a le jugemeut Jî clair & fi détaché de toute preocupations, que je ne penfe pas qu'il y ait rien dans la Philofophie, qu'elle ne puiffe comprendre auec facilité. Je differay d'vne audiance à l'autre, juf qu'à irouuer vn temps libre & defoccupé d'affaires; & quoy que

10 pendant plujieurs jours elle me demandaji voflre lettre, je m'en excufay, afin de ne luy en faire la leélure qu'à vne heure commode. Apres l'auoir entendue, elle refla fi fa- tisfaitte, qu'elle ne fe pouuoit laffer de vous donner des louanges, & de m' enquérir (sic) de toutes les particularité?

i5 de voflre perfonne & de voflre vie. Je luy dis tout ce que j'en fçauois; & après auoir vn peu penfé, elle conclut : Monfieur Defcartes, comme je le vois en cette lettre, & comme vous me le dépeignez, efl le plus heureux de tous les hommes, & fa condition me femble digne

20 d'enuie ; vous me ferez plaifir de l'aOeurer de la grande eftime que je fais de luy. Je ne vous rapporte point icy tout ce que fa Majefîé dijl fur tous les poinéls de voflre lettre, qu'elle ne me fijlpas lire en courant : au contraire, elle m'arrefîa fouuent pour confirmer par fon raifonne-

2 5 ment ce qu'elle entendoit fort bien; & je vous affeure,

Monfieur, que je ne fus pas moins ejlonné de la facilité

qu 'elle auoit à pénétrer dans vosfentimens, que j'auois eflé

furpris de leur profondeur, à la première leélure que j'en

auois faitte .

3o Dans la première quejlion, oii vous explique-^ en gêne- rai la nature de l'amour, fa Majefîé y donna vne forte

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