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76. DE LA Vérité. 511

EuDoxE. — Puifqu'il ne fuffift pas de vous dire que les fens nous trompent en certaines occafions, où vous l'appercevés, pour vous faire craindre qu'ils ne le facent auiï"y en d'autres, fans que vous le puifliés 3 reconnoiftre : je veux pafTer outre, pour fçavoir fi vous n'avés jamais veu de ce.s melancholiques, qui penfent eflre cruches ou bien avoir quelque partie du corps d'une grandeur énorme; ils jureront qu'ils le voyent & qu'ils le touchent ainfy qu'ils imaginent.

10 II eft vray que ce feroit offencer un honnefte homme, que de luy dire, qu il ne peut avoir plus de raifon qu'eus pour affurer fa créance, puifqu'il s'en rapporte, comme eus, à ce que les fens &. fon imagination luy reprefentent. Mais vous ne fçauriés trouver mauvais

i5 que je vous demande fi vous n'eftes pas fujet au fom- meil, ainfy que tous les hommes, & fi vous ne pouvés pas, en dormant, penfer que vous me voyés, que vous vous promenés en ce jardin, que le foleil vous efclaire, & bref toutes les chofes dont vous croyés mainte-

20 nant-eftre tout aiïuré. N'avés vous jamais ouy ce mot d'eflonnement dedans les comédies : Veille-je, ou fi je àorstj Comment pouvés- vous eftre certain que vo(lre,^e n'eft pas un fonge continuel, & que tout ce que vous penfés apprendre par vos fens n'eft pas faux,

25 auiTy bien maintenant comme lorfque vous dormes ?

a. MS. : « dedans le {pour les) comaedies veillie (sic), ou lî je dors ». Trad. lat. : « Numquamne ijlam in veteribus Comcediis admirandi for- mulatn audivijii, an verô dormio ? » (Page 76, 1. 17-18.) Le traducteur a traduit littéralement (et sans bien comprendre) un texte, mal écrit sans doute, et que Tschirnhaus à son tour aura mal lu. Notre correction s'impose et explique aussi l'erreur : « veille ie », c'est-à-dire (est-ce que ie veille?) On dirait aujourd'hui : Veillé-je ?

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