Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, X.djvu/202

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

» Il étoit fort éloigné d’en accuſer ſes Maîtres (en marge : Pag. 6 de la Méth.)… Il ne pouvoit auſſi s’en prendre à luy-même, n’ayant rien à déſirer de plus que ce qu’il apportoit à cette étude, ſoit pour l’application, ſoit pour l’ouverture d’eſprit, ſoit enfin pour l’inclination. (En marge : Stud. bon. mentis MS.) Car il aimoit la Philoſophie avec encore plus de paſſion qu’il n’avoit fait les Humanitez… »

(Ibid., liv. I, chap. vi, t. I, p. 26.)

« … Pour ne pas démentir le jugement des connoiſſeurs de ces têms-là, | il faut convenir qu’il avoit mérité (en marge : Lipstorp. de Reg. mot. — Salden, de lib.), tout jeune qu’il étoit, le rang que tout le monde lui donnoit parmi les habiles gens de ſon têms. Mais jamais il ne fut plus dangereux de prodiguer la qualité de ſçavant. Car (en marge : Stud. bon. Ment. num. 5. MS.) il ne ſe contenta pas de rejetter cette qualité qu’on luy avoit donnée ; mais voulant juger des autres par lui même, peu s’en fallut qu’il ne prît pour de faux ſçavans ceux qui portoient la même qualité, & qu’il ne fit éclater ſon mépris pour tout ce que les hommes appellent ſciences. »

« Le déplaiſir de ſe voir déſabuſé par lui-même de l’erreur dans laquelle il s’étoit flaté de pouvoir acquérir par ſes études une connoiſſance claire & aſſurée de tout ce qui eſt utile à la vie, penſa le jetter dans le deſeſpoir. Voiant d’ailleurs que ſon ſiécle étoit auſſi floriſſant qu’aucun des précédents, & s’imaginant que tous les bons eſprits. dont ce ſiécle étoit aſſez fertile, étoient dans le même cas que lui, ſans qu’ils s’en apperçeuſſent peut-être tous comme lui, il fut tenté de croire qu’il n’y avoit aucune ſcience dans le monde qui fût telle qu’on luy avoit fait eſperer. »

« Le réſultat de toutes ſes fàcheuſes délibérations fut qu’il renonça aux livres dés l’an 1613, & qu’il ſe défit entièrement de l’étude des Lettres. (En marge : Pag. 11 du Disc, de la M. — Item Stud. Bon. ment.) Par cette eſpéce d’abandon, il ſembloit imiter la plùpart des jeunes gens de qualité, qui n’ont pas beſoin d’étude pour ſubſiſter, ou pour s’avancer dans le monde. Mais il y a cette différence, que ceux-cy, en diſant adieu aux livres, ne ſongent qu’à ſecouër un joug que le Collége leur avoit rendu inſupportable : au lieu que M. Deſcartes n’a congédié les livres, pour leſquels il étoit trés-paſſionné d’ailleurs, que parce qu’il n’y trouvoit pas ce qu’il y cherchoit ſur la foy de ceux qui l’avoient engagé à l’étude… »

(Ibid., t. I, p. 34.)