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faire, ſans y employer que fort peu de pieces, a comparaiſon de la grande multitude des os, des muſcles, des nerfs, des arteres, des venes, & de toutes les autres parties, qui ſont dans le cors de chaſque animal, conſidereront ce cors comme vne machine, qui, ayant eſté faite des mains de Dieu, eſt incomparablement mieux ordonnée, & a en ſoy des mouuemens plus admirables, qu’aucune de celles qui peuuent eſtre inuentées par les hommes.

Et ie m’eſtois icy particulierement areſté a faire voir que, s’il y auoit de telles machines, qui euſſent les organes & la figure d’vn ſinge, ou de quelque autre animal ſans raiſon, nous n’aurions aucun moyen pour reconnoiſtre qu’elles ne ſeroient pas en tout de meſme nature que ces animaux ; au lieu que, s’il y en auoit qui euſſent la reſſemblance de nos cors, & imitaſſent autant nos actions que moralement il ſeroit poſſible, nous aurions touſiours deux moyens tres certains, pour reconnoiſtre qu’elles ne ſeroient point pour cela de vrais hommes. Dont le premier eſt que iamais elles ne pourroient vſer de paroles, ny d’autres ſignes en les compoſant, comme nous faiſons pour declarer aux autres nos penſées. Car on peut bien conceuoir qu’vne machine ſoit tellement faite qu’elle profere des paroles, & meſme qu’elle en profere quelques vnes a propos des actions corporelles qui cauſeront quelque changement en ſes organes : comme, ſi on la touche en quelque endroit, qu’elle demande ce qu’on luy veut dire ; ſi en vn autre, qu’elle crie qu’on luy fait mal, & choſes ſemblables ; mais non pas qu’elle les arrenge diuerſement, pour reſ-