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autres, ne les font paroiſtre, qu’en tant qu’on les peut voir en la regardant : ainſi, craignant de ne pouuoir mettre en mon diſcours tout ce que i’auois en la penſée, i’entrepris ſeulement d’y expoſer bien amplement ce que ie conceuois de la Lumiere ; puis, a ſon occaſion, d’y adiouſter quelque choſe du Soleil & des Eſtoiles fixes, a cauſe qu’elle en procede preſque toute ; des Cieux, a cauſe qu’ils la tranſmettent ; des Planetes, des Cometes, & de la Terre, a cauſe qu’elles la font refleſchir ; & en particulier de tous les Cors qui ſont ſur la terre, a cauſe qu’ils ſont ou colorez, ou tranſparens, ou lumineux ; & enfin de l’Homme, a cauſe qu’il en eſt le ſpectateur. Meſme, pour ombrager vn peu toutes ces choſes, & pouuoir dire plus librement ce que i’en iugeois, ſans eſtre obligé de ſuiure ny de refuter les opinions qui ſont receuës entre les doctes, ie me reſolu de laiſſer tout ce Monde icy a leurs diſputes, & de parler ſeulement de ce qui arriueroit dans vn nouueau, ſi Dieu creoit maintenant quelque part, dans les Eſpaces Imaginaires, aſſez de matiere pour le compoſer, & qu’il agitaſt diuerſement & ſans ordre les diuerſes parties de cete matiere, en ſorte qu’il en compoſaſt vn Chaos auſſy confus que les Poetes en puiſſent feindre, & que, par apres, il ne fiſt autre choſe que preſter ſon concours ordinaire a la Nature, & la laiſſer agir ſuiuant les Loix qu’il a eſtablies. Ainſi, premierement, ie deſcriuis cete Matiere, & taſchay de la repreſenter telle qu’il n’y a rien au monde, ce me ſemble, de plus clair ny plus intelligible, excepté ce qui a tantoſt eſté dit de Dieu & de lame : car meſme ie ſuppoſay, expreſſement, qu’il