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qu’on me donnoit ; et il y a iuſtement huit ans, que ce deſir me fit reſoudre a m’eſloigner de tous les lieux ou ie pouuois auoir des connoiſſances, & a me retirer icy, en vn païs où la longue durée de la guerre a fait eſtablir de tels ordres, que les armées qu’on y entretient ne ſemblent ſeruir qu’a faire qu’on y iouiſſe des fruits de la paix auec d’autant plus de ſeureté, & où parmi la foule d’vn grand peuple fort actif, & plus ſoigneux de ſes propres affaires, que curieux de celles d’autruy, ſans manquer d’aucune des commoditez qui ſont dans les villes les plus frequentées, i’ay pû viure auſſy ſolitaire & retiré que dans les deſers les plus eſcartez.


Quatriesme
partie
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Ie ne ſçay ſi ie doy vous entretenir des premieres meditations que i’y ay faites ; car elles ſont ſi Metaphyſiques & ſi peu communes, qu’elles ne ſeront peuteſtre pas au gouſt de tout le monde. Et toutefois, affin qu’on puiſſe iuger ſi les fondemens que i’ay pris ſont aſſez fermes, ie me trouue en quelque façon contraint d’en parler. I’auois dés long temps remarqué que, pour les meurs, il eſt beſoin quelquefois de ſuiure des opinions qu’on ſçait eſtre fort incertaines, tout de meſme que ſi elles eſtoient indubitables, ainſi qu’il a eſté dit cy-deſſus ; mais, pourcequ’alors ie deſirois vacquer ſeulement a la recherche de la verité, ie penſay qu’il faloit que ie fiſſe tout le contraire, & que ie reiettaſſe, comme abſolument faux, tout ce en quoy ie pourrois imaginer le moindre doute, affin de voir s’il ne reſteroit point, apres cela, quelque choſe en ma creance, qui fuſt entierement indubitable. Ainſi, a