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y en euſt. Et enfin ie n’euſſe ſceu borner mes deſirs, ny eſtre content, ſi ie n’euſſe ſuiui vn chemin par lequel, penſant eſtre aſſuré de l’acquiſition de toutes les connoiſſances dont ie ſerois capable, ie le penſois eſtre, par meſme moyen, de celle de tous les vrais biens qui ſeroient iamais en mon pouuoir ; d’autant que, noſtre volonté ne ſe portant a ſuiure ny a fuir aucune choſe, que ſelon que noſtre entendement la luy repreſente bonne ou mauuaiſe, il ſuffit de bien iuger, pour bien faire, & de iuger le mieux qu’on puiſſe, pour faire auſſy tout ſon mieux, c’eſt a dire, pour acquerir toutes les vertus, & enſemble tous les autres biens, qu’on puiſſe acquerir ; & lorſqu’on eſt certain que cela eſt, on ne ſçauroit manquer d’eſtre content.

Aprés m’eſtre ainſi aſſuré de ces maximes, & les auoir miſes a part, auec les veritez de la foy, qui ont touſiours eſté les premieres en ma creance, ie iugay que, pour tout le reſte de mes opinions, ie pouuois librement entreprendre de m’en defaire. Et d’autant que i’eſperois en pouuoir mieux venir a bout, en conuerſant auec les hommes, qu’en demeurant plus long tems renfermé dans le poiſle ou i’auois eu toutes ces penſées, l’hyuer n’eſtoit pas encore bien acheué que ie me remis a voyaſger. Et en toutes les neuf années ſuiuantes, ie ne fi autre choſe que rouler çà & là dans le monde, taſchant d’y eſtre ſpectateur plutoſt qu’acteur en toutes les Comedies qui s’y iouent ; et faiſant particulierement reflexion, en chaſque matiere, ſur ce qui la pouuoit rendre ſuſpecte, & nous donner occaſion de nous meſprendre, ie déracinois cependant de mon eſprit toutes les erreurs qui s’y eſtoient pû