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(7-8) Tome III. 64 j

» l'œil de vojlre frère. Car, en effet, fi la dodrine de Monfieur Def- » cartes, toute claire qu'elle eft dans les principes, puifqu'il n'en » admet point d'autres en Phyfique que ceux des Mathématiciens » mefmes, à fçauoir les grandeurs, les figures & les mouuemens, & » toute certaine dans fes conclufions, puisqu'elles font toutes tirées » félon les maximes de la vraye Logique, c'eft à dire, félon les ') règles du bon fens, ne laiffe pas de leur fembler obfcure, incer- » taine & extrauagante : que ne doit-on point dire de la Philofophie » qu'ils cultiuent, puifque les principes en font obfcurs, & par con- » fequent incertains, comme ils le confeffenteux-mefmes, & comme » tout le monde le reconnoifi: auec eux ; & que plus ils en tirent de » confequence, en penfant bien philofopher, plus ils s'éloignent de » la vérité, de mefme que celuy qui s'efl: vne fois écarté de fa » route, s'en éloigne d'autant plus, que plus il auance dans le che- » min qu'il a pris. Ne deuroient-ils pas, pour s'exempter de ce » blafme, trauailier à ofter l'obfcurité qui fe rencontre dans leurs » principes & dans tout ce qui s'en déduit, auant que de condam- » ner ce qu'ils n'entendent pas dans l'explication que donne Mon- » fieur Defcartes aux matières les plus difficiles? Mais fi on les » vouloit obliger à changer de principes & à n'en | point receuoir » d'autres, qui ne fuffent clairs & éuidens, ils fe verroient bien-tofl: » réduits à admettre ceux que Monfieur Defcartes a eftablis, n'y en » ayant point de plus clairs ny de plus intelligibles, & ainfi à s'en » tenir à ce qu'ils rejettent & condamnent auec tant d'animofité. » Mais puifque, fans pouuoir monftrer auec raifon en quoy pèche » cette Philofophie dans fes principes & dans fes conclufions, il leur » plaift neantmoins de déclamer contre elle; & que, bien loin de la » reconnoiftre pour bonne, ils tafçhent, au contraire, à la décrier » autant qu'ils peuuent, ils ne trouueront pas mauuais^ fi ie leur » demande s'ils en fçauent vne meilleure, ou feulement s'ils nous )) peuuent faire conceuoir l'idée d'vne Philofophie plus claire, plus » certaine & plus vtile que celle-là. Que s'ils n'ont rien à nous pro- » pofer de meilleur, comme en effet ils ne le fçauroient, qu'ils » difent donc qu'il ne faut point du tout philofopher, & qu'il faut » entièrement renoncer à l'eflude & à la raifon, & fe laiffer conduire » comme des befles de compagnie, ou bien qu'ils confeffent que » ce fiecle n'a pas manqué d'vn homme qui ait monft:ré le premier » aux autres le véritable chemin qu'il faut fuiure. Vne des plus » grandes injuftices qu'ils commettent en cela efl que, toute leur » Philofophie efl:ant obfcure, & n'y ayant pas vne feule queflion » qu'ils puiffent décider auec clarté; au contraire toutes les deci-

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