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(5-8) Tome II. ^}}

» à ces Subftances, lefquelles font détachées de la Matière, & ont » vne propre lubfiftance indépendante d'elle; qui font connues fans » elle, & premièrement connues qu'elle. 1 Ce n'eft pas qu'aupara- ). uant Monfieur Defcartes, plufieurs grands perfonnages n'ayent » parlé des chofes intellectuelles, & n'en ayetit parlé dignement; » mais neantmoins, s'il m'ed permis de dire icy ce que l'en penfe, » vous n'en trouuerez aucun, qui ait conceu bien diftinclement en » quoy confifte precifément l'Effence d'vne chofe Spirituelle, & qui » l'ait û nettement diftinguée de celle des chofes Matérielles, qu'il » n'ait point confondu les fonctions des vnes auec les fondions des )) autres. Monfieur Defcartes eft le feul à qui nous auons l'obliga- » tion de nous en auoir donné les véritables notions, & de nous » auoir en mefme temps découuert le moyen dont il s'eft feruy pour » paruenir à vne connoiffance fi diftinde & fi exacte. Car quiconque » voudra méditer auec luy, ne pourra douter, non plus que luy, de » l'exiftence de fon Ame, c'eft a dire de fa propre exiftence, en tant » qu'il eft vne chofe qui penfe; qui eft la véritable notion que l'on » doit auoir de la Subftance Spirituelle, & par quoy l'on reconnoift » manifeftement qu'elle eft diftinguée de la Subftance Corporelle, ') comme ayant en foy des Proprietez ou des Attributs totalement » differens de ceux que nous conceuons pouuoir appartenir à la )) Subftance Corporelle, ou Eftenduë. »

<( le n'ignore point que, nonobftant tout ce qu'a pu dire ou écrire » Monfieur Defcartes fur ce fujet, plufieurs ne laiftent pas d'auoir » encore auiourd'huy bien de la peine àconceuoirla Subftance de » leur Ame. Mais ie fçay bien aufll qu'il y en a fort peu qui veulent, » comme luy, fe donner la peine de détacher leur efprit du com- » merce des fens, écouter ce que dide la vraye raifon, & donner » plus à leur Intelligence qu'à leur Imagination. Et ie penfe » pouuoir dire, auec quelque afl"urance de vérité, que la feule chofe » qui fait qu'on a de la peine à conceuoir la fubftance de l'Ame, » c'eft qu'eftant accouftumez, dés noftre enfance, à ne rien con- » ceuoir à quoy l'on n'applique en mefme temps fon imagination, )> l'on penfe ne rien connoiftre en vne chofe, en laquelle on ne » trouue rien qui puifi"e eftre imaginé. Ainfi, pource que ny noftre » Ame, ny fes Facultez, ny fes Actions, n'ont rien qui puifl'e eftre « I imaginé, on penfe ne rien connoiftre en elle; & on va la cher- » chant où elle n'eft pas, & par là l'on fe trompe, lors que, pour la » mieux conceuoir, & pour auoir, pour ainfi dire, quelque prife fur » elle, l'on fait vne anatomie ou difl"e(tion du cors, on le fubtilife » & on le rend agile, afin de nous faire, ce femble, comme apper-

CORRESPONDANCE. V. 8o

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