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20 Correspondance.

luj" communiquant cette leâure. M. du Ryer ne put néanmoins obte- nir la copie de la Dijfertation ; mais il en parla à la Reine d'une ma- nière fi avantageufe, quelle obligea M. Clianut de la lur faire voir. Il ne fut point fâché que la Princejfe eut cette curioftté, dans l'efpé- rance que la leâure de cette feule pièce lur ferait juger que tout ce qu'il luj- aroit dit de M. Defcartes éioit encore au deffous de la vérité. Il ne fut pas trompé. La Reine demeura fi fatisfaite de la leclure qu'il luy en fit dans un téms libre & defoccupé d'affaires, qu'elle ne pouvoit enfuite fe laffer de donner des louanges à V Auteur de cet écrit, & de s'enquérir de toutes les particularité^ de fa perfonne £• de fa vie. Après que AI. Chanut luy eût déclaré ce qu'il en fçavoit, & qu'elle eut pcnfé, pendant quelques ntomens, à ce qu'elle avoit à ré- pondre, elle dit >n marge : Lettr. MS. de Chanut ut supr.j :

Monjieur Defcartes, autant que je le puis voir par cet écrit & par la peinture que vous m en faites, efl le plus heureux de tous les hommes; & fa condition nie femble digne d'envie. Vous me fere\^ plaifir de Vaffurer de la grande eflime que je fais de luy.

» L'attenliou que la Reine apporta à la leclure de cet écrit ft qu'elle arrêta fouvent M. Chanut, pour confirmer par fon raifonnement & fes réjlé.xions ce qu'elle entendoit lire, et cet habile leâeur ne fut pas moins étonné de la facilité qu'elle avoit à pénétrer dans les fentimens de M. Defcartes, qu'il avoit été furpris de leur profondeur à la pre- mière leclure qu'il en avoit faite en particulier. La Reine apporta une forte application à la première quejlion, oii M. Defcartes expli- quoit en général la nature de /'Amour. Mais elle ne voulut pas s'at- tacher à en examiner la docli-ine,

parce que, difoit-elle, n'ayant pas rejfenti cette paj/ion, elle ne pouvoit pas bien juger d'une peinture dont elle ne connoiffoit point l'original.

» Il fe pouvait faire qu'elle ne connût point l'Amour comme une pajjion; mais rien ne devait l'empêcher d'examiner ce que M. Def- cartes difoit de /'Amour intelleduel, qui regarde un bien pur £• féparé des chofes fenfibles, parce qu'elle pouvoit au moins fentir en elle l'Amour de la vertu. La Reine donna fon confenlement à tout, hormis à un mot, qui faifoit voir en pajjanl que M. Defcartes n'étoit

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