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56-57. Méditations. — Ql:atriéme. 45

En fuite de quoy, me regardant de plus prés, & confiderant quelles font mes erreurs (lefquelles feules témoignent qu'il }' a en moy de l'imperfedion), ie trouue qu'elles dépendent du concours de deux caufes, à fçauoir, de la puiffance de connoiftre qui eft en moy, & de la puiflance d'élire, ou bien de mon libre arbitre : c'eft à dire, de mon entendement, & enfemble de ma volonté. Car par l'entendement feul ie n'alfeure ny ne nie aucune chofe, mais ie conçoy feulement les idées des chofes, que ie puis alîeurer ou nier. Or, en le confiderant ainfi precifément, on peut dire qu'il ne fe trouue iamais en luy aucune erreur, pourueu qu'on prenne le mot d'erreur en fa propre fignificatiqn. Et encore qu'il y ait peut-eftre vne infinité de chofes dans le monde, dont ie n'ay aucune idée en mon entendement, on ne peut pas dire pour cela qu'il foit priué de ces idées, comme de quelque chofe qui foitdeuë à fa nature, mais feulement qu'il ne les a pas; parce qu'en effet il n'y a aucune raifon qui puilfe prouuer que Dieu ait deu me donner vne plus grande & plus ample faculté de connoiltre, que celle qu'il m'a donnée; &, quelque adroit & fçauant ouurier que ie me le repre- fente, ie ne dois | pas pour celapenfer qu'il ayt deu mettre dans 66 chacun de fes ouurages toutes les perfections qu'il peut mettre dans quelques-vns. le ne puis pas auill me plaindre que Dieu ne m'a pas donné vn libre arbitre, ou vne volonté allez ample & par- faite, puifqu'en effet ie l'expérimente fi vague & û étendue, qu'elle n'efl renfermée dans aucunes bornes. Et ce qui me femble bien remarquable en cet "endroit, eil que, | de toutes les autres chofes qui font en moy, il n'y en a aucune li parfaite & fi eftenduë, que ie ne reconnoilfe bien qu'elle pouroit eflre encore plus grande & plus parfaite. Car, par exemple, fi ie confidere la faculté de conceuoir qui efl en moy, ie trouue qu'elle efl: d'vne fort petite étendue, & grandement limitée, & tout enfemble ie me reprefente l'idée d'vne autre faculté beaucoup plus ample, & mefme infinie; & de cela feul que ie puis me reprefenter l'on idée, ie connois fans diffi- culté qu'elle appartient à la nature de Dieu. En mefme façon, fi l'examine la mémoire, ou l'imagination, ou quelqu'autre puiflance, ie n'en trouue aucune qui ne foit en moy très-petite & bornée, & qui en Dieu ne foit immenfe & infinie. Il n'y a que la feule volonté, que l'expérimente en moy eflre fi grande, que ie ne conçoy point l'idée d'aucune autre plus ample & plus étendue : en forte que c'eft elle principalement qui me fait connoifire que ie porte l'image & la reffemblance de Dieu. Car, encore qu'elle foit incomparable- ment plus grande dans Dieu, que dans moy, foit à raifon de la

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