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��OEUVRES DE Descartes. 45-46.

��muable, indépendante, toute connoiffante, toute puiffante, & par laquelle mo3'-mefme, & toutes les autres chofes qui font (s'il eft 49 vray qu'il y en ait qui exiilent) ont efté créées | & produites. Or ces auantages font fi grands & fi eminens, que plus attentiuement ie les confidcre, & moins ie me perfuade que l'idée que l'en ay puiffe tirer fon origine de moy feul. Et par confequent il faut neceffai- rement conclure de tout ce que i'ay dit auparauant, que Dieu exifle ; car, encore que l'idée de la fubflance foit en moy, de cela mefme que ie fuis vne fubftance, ie n'aurois pas neantmoins l'idée d'vne fubftance infinie, moy qui fuis vn eflre finy, fi elle n'auoit efté mife en moy par quelque fubftance qui fuft véritablement infinie.

Et ie ne me dois pas imaginer que ie ne conçoy pas l'ihfiny par vne véritable idée, mais feulement par la négation de ce qui eft finy, de mefme que ie comprens le repos & les ténèbres par la négation du mouuement & de la lumière : puifqu'au contraire ie voy mani- feftement qu'il fe rencontre plus de realité dans la fubftance infinie, que dans la fubftance finie, & partant que i'ay en quelque façon premièrement en moy la notion de l'infiny, que du finy, c'eft à dire de Dieu, que de moy-mefme. Car comment feroit-il poftible que ie peuffe connoiftre que ie doute & que | ie defire, c'eft à dire qu'il me manque quelque chofe & que ie ne fuis pas tout parfait, fi ie n'auois en moy aucune idée d'vn eftre plus parfait que le mien, par la com- paraifon duquel ie connoiftrois les défauts de ma nature?

Et l'on ne peut pas dire que peut-eftre cette idée de Dieu eft ma- 50 teriellement fauffe, & que par con|fequent ie la puis tenir du néant, c'eft à dire qu'elle peut eftre en moy pource que i'ay du défaut, comme i'ay dit cy-deuant des idées de la chaleur & du froid, & d'autres chofes femblables : car, au contraire, cette idée eftant fort claire & fort diftinde, & contenant en foy plus de realité obieiftiue qu'aucune autre, il n'y en a point qui foit de foy plus vraye, ny qui puiffe eftre moins foupçonnée d'erreur & de fauffeté.

L'idée, dis-je, de cet eftre fouuerainement parfait & infiny eft entièrement vraye ; car, encore que peut-eftre l'on puiffe feindre qu'vn tel eftre n'exifte point, on ne peut pas feindre neantmoins que fon idée ne me reprefente rien de réel, comme i'ay tantoft dit de l'idée du froid.

Cette mefme idée eft aufli fort claire & fort diftincte, puifque tout ce que mon elprit conçoit clairement & diftindement de réel & de vray, & qui contient en foy quelque perfedion, eft contenu & renfermé tout entier dans cette idée.

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