Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, IX.djvu/58

Cette page n’a pas encore été corrigée

j2 Œuvres de Descartes. 4o-4i-

42 font fans doute quelque chofe de plus, & contiennent | en foy (pour ainf) parler) plus de realité objectiue, c'eft à dire participent par reprefentation à plus de dcgrez d'elke ou de perfedion; que celles qui me reprefentent feulement des modes ou accidens. De plus, celle par laquelle ie conçoy vn Dieu fouuerain, éternel, infini, immuable, tout connoilfant, tout puiflant, & Créateur vniuerfel de toutes les chofes qui font hors de luy; celle-là, dis-je, a certai- nement en foy plus de realité objediue, que celles par qui les fubftances finies me font reprefentées.

Maintenant c'ell vne choie manifefte par la lumière naturelle, qu'il doit y auoir pour le moins autant de realité dans la caufe efficiente & totale que dans fon effeél : car d'où eft-ce que l'effect peut tirer fa realité, finon de fa caufe ? & comment cette caufe la luy pouroit-elle communiquer, fi elle ne l'auoit en elle-mefme?

Et de là il fuit, non feulement que le néant ne fçauroit produire aucune chofe, mais auffi que ce qui ell: plus parfait, c'eft: à dire qui contient en foy plus de realité, | ne peut eflre vne fuite & vne dé- pendance du moins parfait. Et cette vérité n'eft pas feulement claire & euidente dans les effets qui ont cette realité que les Philo- fophes appellent aéluelle ou formelle, mais auffi dans les idées où l'on confidere feulement la realité qu'ils nomment objecliue : par exemple, la pierre qui n'a point encore efi;é, non feulement ne peut pas maintenant commencer d'eftre, fi elle n'efl; produitte par vne

43 chofe qui polTede en foy formellement, ou emijnemment, tout ce qui entre en la compofition de la pierre, c'eft à dire qui contienne en foy les mefmes choies ou d'autres plus excellentes que celles qui font dans la pierre; & la chaleur ne peut eflre produite dans vn fujet qui en eltoit auparauant priué, fi ce n'eft par vne chofe qui foit d'vn ordre, d'vn degré ou d'vn genre au moins aufïï parfait que la chaleur, & ainfi des autres. Mais encore, outre cela, l'idée de la chaleur, ou de la pierre, ne peut pas eftre en moy, fi elle n'y a efté mife par quelque caufe, qui contienne en foy pour le moins autant de realité, que l'en conçoy dans la chaleur ou dans la pierre. Car encore que cette caufe-là ne tranfmette en mon idée aucune chofe de fa realité actuelle ou formelle, on ne doit pas pour cela s'ima- giner que cette caufe doiue eilre moins réelle; mais on doit fçauoir que toute idée eftant vn ouurage de l'efprit, fa nature eft telle qu'elle ne demande de foy aucune autre realité formelle, que celle qu'elle reçoit & emprunte de la penfée ou de l'efprit, dont elle eft feulement vn mode, c'eft à dire vne manière ou façon de penfer. Or, afin qu'vne idée contienne vne telle realité objecliue plutoft

�� �