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��6o Œuvres de Descartes.

nous fouuenir qu'ils font douteux^, nous fommes touf-jours en dan- ger de retomber en quelque fauffe preuention. Cela efl: tellement vray, qu'à caufe que, dés noltre enfance, nous auons imaginé, par exemple, les eftoiles fort petites, nous ne fçaurions nous | deffaire encore de cette imagination, bien que nous connoiflions par les raifons de l'Aftronomie qu'elles font très-grandes, tant a de pou- uoir fur nous vne opinion def-ja receuë !

yS- La troiftéme, que nojlre efpritfe fatigue quand il fe rend attentif à toutes les chofes dont nous jugeons.

De plus, comme nollre ame ne fçauroit s'arrefter à confiderer long-lemps vne mefme chofe auec attention fans fe peiner & mefmes fans fe fatiguer, & qu'elle ne s'applique à rien auec tant de peine qu'aux chofes purement intelligibles, qui ne font prefentes ni au fens ni à l'imagination, foit que naturellement elle ait eité faite ainfi, à caufe qu'elle elt vnie au corps, ou que, pendant les pre- mières années de noftre vie, nous nous foyons fi fort accouftumez à fentir & imaginer, que nous ayons acquis vne facilité plus grande à penfer de cette forte, de là vient que beaucoup de perfonnes ne fçauroient croire qu'ily ait de fubitance, fi elle n'efi: imaginable & corporelle, & mefme fenfible. Car on ne prend pas garde ordinaire- ment qu'il n'y a que les chofes qui confillent en eftenduë, en mou- uement & en figure, qui foient imaginables, & qu'il y en a quantité d'autres que celles-là, qui font intelligibles. De là vient aufii que la plus part du monde fe perluade qu'il n'y a rien qui puilfe fubfiftcr fans corps, & mefmes qu'il n'y a point de corps qui ne foit fenfible. &8 Et d'autant que... ce ne font point nos fens... qui | nous font décou- urir la nature de quoy que ce foit, viais feulement nojlre raifon lors qu'ellej- interuient,... on ne doit pas trouuer eitrange que la plus part des hommes n'apperçoiuent les chofes que fort confufément, veu qu'il n'y en a que tres-peu qui s'ejludient à ta bien conduire.

74. La quatriefme, que nous attachons nos pen fées à des paroles qui ne les expriment pas exaâement.

Au refte, parce que nous attachons nos conceptions à certaines paroles, afin de les exprimer de bouche, & que nous nous fouue- nons pluflofi des paroles que des chofes, à peine fçauiions-nous

a. Texte de l'errata de la première édition. Elle donnait : Ji nous n'en perdons le fouuenir l

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