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Principes. — Première Partie. 27

en raifonnant fur de telles matières... ; mais principalement, pource que nous auons ouy dire que Dieu, qui nous a créez, peut faire tout ce qu'il luy plaift, & que nous ne fçauons pas encore s'il a voulu nous faire tels que nous foyons touf-jours trompez, mefmes aux chofes que nous | penfons mieux connoillre. Car, puilqu'il a bien permis que nous nous foyons trompez quelquesfois, ainfi qu'il a elté def-ja remarqués pourquoy ne pourroit-il pas permettre que nous nous trompions touf-jours? Et fi nous voulons feindre qu'vn Dieu tout-puiffant n'eft point autheur de noftre eftre, & que nous fub- filtons par nous mefmes, ou par quelque autre moyen ; de ce que nous fuppoferons cet autheur moins puiffant, nous aurons touf- jours d'autant plus de fujet de croire que nous ne fommes pas fi parfaits, que nous ne puiffions ei^re continuellement abufez.

6. Que nous auons vn libre arbitre qui fait que nous pouuons nous abjlenir de croire les chofes douteufes, & ainfi nous empefcher d'ejlre trompe\.

Mais quand celuy qui nous a créez feroit tout-puiffant, & quand mefmes il prendroit plaifir à nous tromper, nous rie lailTons pas d'efprouuer en nous vne liberté qui eft telle que, toutes les fois qu'il nous plairt, nous pouuons nous abftenir de receuoir en noftre croyance les chofes que nous ne connoiffons pas bien, & ainfi nous empefcher d'eftre jamais trompez.

7. Que nous nefqaurions douter fam ejlre, & que cela eft la première connoiffance certaine qu'on peut acquérir.

Pendant que nous rejettons en cette forte tout ce dont nous pouuons douter, & que nous feignons mefmes qu'il eft faux, nous fuppofons facilement qu'il n'y a point de Dieu, ny de ciel, ny de terre..., &i que nous n'auons point de corps; mais nous ne fçau- rions fuppofer de mefme, que nous ne fommes point, pendant que nous dou|tons de la vérité de toutes ces chofes : car nous auons tant de répugnance à conceuoir que ce qui penfe n'eft pas véritablement au mefme temps qu'il penfe, que, nonobjîant toutes les plus extra- uagantes Juppofitions, 7wus ne fçaurions nous empefcher de croire que cette conclufion : Ie pense, donc ie suis, ne foit vraye, & par confequent la première & la plus certaine, qui fe prefente à celuy qui conduit fes penfées par ordre.

a. Article précédent.

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