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22 OEuVRES DE DeSCARTES.

les libéraux; & ceux qui font véritablement gens de bien n'acquerent point tant la réputation d'eftre deuots, que font les fuperftitieux & les hypocrites. Pour ce qui eft des vrayes vertus, elles ne viennent pas toutes d'vne vraye connoiffance, inais il y en a qui naiffent aufli quelquefois du

(4) défaut ou de l'erreur : ainfi fouuent la fim [plicité eft caufe de la bonté, la peur donne de la deuotion, & le defefpoir du courage. Or les vertus qui font ainfi accompagnées de quelque imperfedion,foni différentes entr'elles, & on leur a auflî donné diuers noms. Mais celles qui font û pures & fi par- faites qu'elles ne viennent que de la feule connoiffance du bien, font toutes de mefme nature, & peuuent eftre comprife? fous le feul nom de la Sageffe. Car quiconque a vne volonté ferme & confiante d'vfer touf-jours de la" raifon le mieux qu'il eft en fon pouuoir, & de faire en toutes fes adions ce qu'il juge eftre le meilleur, eft véritablement fage, autant que fa nature permet qu'il le foit; & par cela feul il eft jufte, courageux, modéré, & a toutes les autres vertus, mais tellement jointes entre elles qu'il n'y en a aucune qui paroiffe plus que les autres; c'eft pourquoy, encore qu'elles foient beaucoup plus parfaites que celles que le meflange de quelque défaut fait éclater, toutefois, à caufe que le commun des hommes les remarque moins, on n'a pas couftume de leur donner tant de louanges.

(5) Outre cela, de deux chofes qui font requifes à la | Sageffe ainfi décrite, à fçauoir que l'entendement connoiffe tout ce qui eft bien, & que la volonté foit touf-jours difpofée à le fuiure, il n'y a que celle qui confifte en la vo- lonté que tous les hommes peuuent également auoir, d'autant que l'enten- dement de quelques-vns n'eft pas fi bon que celuy des autres. Mais, encore que ceux qui n'ont pas le plus d'efprit puiffent eftre auffî parfaitement fages que leur nature le permet, & fe rendre tres-agreables à Dieu par leur vertu, fi feulement ils ont touf-jours vne ferme refolution de faire tout le bien qu'ils fçauront, & de n'ometre rien pour apprendre celuy qu'ils ignorent; toutefois ceux qui, auec vne conftante volonté de bien faire & vn foin très-particulier de s'inftruire, ont aufli vn très-excellent efprit, arriuent fans doute à vn plus haut degré de Sageffe que les autres. Et je voy que ces trois chofes fe trouuent tres-parfaitement en Vostre Altesse. Car pour le foin qu'elle a eu de s'inftruire, il paroift aflez de ce que ny les diuer- tiffemens de la Cour, ny la façon dont les Princeffes ont couftume d'eftre

(6) I nourries, qui les deftournent entièrement de la connoiffance des lettres, n'ont peu empefcher que vous n'ayez tres-diligemment eftudié tout ce qu'il y a de meilleur dans les fciences. Et on connoift l'excellence de voftre efprit en ce que vous les auez parfaitement aprifes en fort peu de temps. Mais j'en ay encore vne autre preuue qui m'eft particulière, en ce que je n'ay jamais rencontré perfonne qui ait fi généralement & fi bien entendu tout ce qui eft contenu dans mes écrits : car il y en a plufieurs qui les trouuent tres-obfcurs, mefme entre les meilleurs efprits & les plus dodes; & je re- marque prefque en tous, que ceux qui conçoiuent ayfement les chofes qui

a. Lire « fa » ? Voir le texte latin.

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