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faiiffelé ne Je trouiie proprement que dans les iiigemens, il dit neant-moins, vn peu apre-^, qu’il y a des idées quipeuueut, non pas à la vérité formellement, mais matériellement, ejire faujfes : ce qui me femble auoir de la répugnance auec jes principes.

Mais, de peur qu’en vue ynatierefi obfcure ie ne puijfe pas expliquer ma penfée affe^ nettement, ie me feruiray d’vn exemple qui la rendra plus manifejle. Si, dit-il, le froid elt l’eulement vne priuation | de la 272 chaleur, l’idée qui me le reprefente comme vne choie pofitiue, lera matériellement fauſſe.

Au contraire, si le froid est seulement une privation, il ne poura y auoir aucune idée du froid, qui me le reprefente comme une chose positive ; & icy nostre auteur confond le jugement avec l’idée.

Car qu’ejt-ce que l’idée du froid? C’e/l le froid mefme, en tant qu’il ejt obieâiuementdans l’entendement; mais fi le froid ejl vne priuation, ilnefçauroit ejîre obieâiuement dans l’entendement par vne idée de qui l’ejlre obiediffoit vn eJlre pofitif ; doncques.fi le froid eft feulement vne priuation, iamais l’idée n’en poura efre pofitiue, €• confequem- mcnt il n’j en poura auoir aucune qui fait matériellement faujjé.

Celafe confirme par le mefme argument que Monfieur Des-Cartes employé pour prouuer que l’idée d’vn eJlre infini eft neceffairement vraye. Car, bien que l’on puijfe feindre \qu’vn tel eftre n’exifte point, on ne peut pas neantmoins feindre que fon idée ne me reprejente rii-n

de réel.

La mefme chofe fe peut dire de toute idée pofitiue ; car, encore que l’on puiffe feindre que le froid, que ie penfe eftre reprefente par vne idée pofitiue, nefoitpas vne chofe pofitiue, on ne peut pas neantmoins feindre qii’vne idée pofitiue ne me reprefente rien de réel & de pofiitif \mt que les idées ne font pas apelées pojlliiies félon l’eftre \ qu’elles ont 273 en qualité de modes ou de manières de penfer, car en ce fens elles ferofent toutes pofitiiies ; mais elles font ainfi apelées de l’eftre objectif qu’elles contiennent & reprefentent à nofire efprit. Partant, cette idée peut bien n’eftrepas l’idée du froid, mais elle ne peut pas eftre faiifc.

Mais, direi-vous, elle eft faujfe pour cela mefme qu’elle n’eft pas l’idée du froid. Au contraire, c’eft voftre ingénient qui eft faux, fi vous la iugei eftre l’idée du froid ; mais, pour elle, il eft certain qu’elle e/l tres-vraye ; tout ainfi que l’idée de Dieu ne doit pas materiellemeu! mefme eftre apelée faujfe, encore que quelqu’vn la pui’"'- ’ransferer & raporter à vne chofe qui ne foit point Dieu, comme ont fait les idolâtres.

Enfin cette idée du froid, que vous dites eftre matériellement faujfe, que reprefente-t-elle à vofire efprit ? Vne priuation ? Donc elle eft