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144 OEuvRES DE Descartes. 184.1R5.

��OBJECTION NEVFIÉME.

Car il eft certain que les idées qui me reprefentent des fubflances font quelque chofe de plus, &, pour ainfi dire, ont plus de realité obiediue, que celles qui me reprefentent feulement des modes ou

240 accidens ; & dere|clief celle par laquelle ie conçoy vn Dieu fou- ueiain, éternel, | infiny, tout connoillant, tout puillant, & créateur vniuerfel de toutes les chofes qui font hors de luy, a fans doute en foy plus de realité obiectiue que celles par qui les fubltances finies me font reprefentées.

l'ay defia plitjieurs fois remarqué cy-deuant que nous n'auons ait' aine idée de Dieu ny del'ame; i'adioiite maintenant : ny de la fubjtance ; car i'auouc bien que la fubjlance, en tant qu'elle eft vne matière ca- pable de receuoir diuers accidens, à'- qui eft fujelte à leurs change- niens, eft aperceuë & prouuée par le raifonnement ; mais neantmoins elle n'eft point conceuë, ou nous n'en auotis aucune idée. Si cela eft rray, comment peut-on dire que les idées qui nous reprefentent des fubftances, font quelque chofe de plus & ont plus de realité obieâiue, que celles qui nous reprefentent des accidens ? Dauantage, que Mon- feur Des-Caries confidere derechef ce qu'il veut dire par ces mots, ont plus de realité. La realité reçoit-elle le plus ê le moins ? Ou, s'il penfe qu'vne chofe foit plus chofe qu'vne autre, qu'il confidere comment il eft pofjible que cela puiffe eftre expliqué auec toute la clarté & l'eui- dence qui eft requije en pue démonftration, & auec laquelle il a plu- fieursfois traitté d'autres matières.

241 I Réponse.

l'ay plufieurs fois dit que i'apelois du nom d'idée cela mefme que la raifon nous fait connoiltre, comme auffi toutes les autres chofes que nous conceuons, de quelque façon que nous les conce- uions. Et i'ay fufifamment expliqué comment la realité reçoit le plus &lemoins,endifantquela fubftanceell quelque chofe de plus que le mode, & que, s'il y a des qualités réelles ou des fubftances incom- plètes, elles font aulli quelque chofe de plus que les modes, mais quelque chofe de nwins que les fubftances complètes; & enfin que, s'il V a vne fubftance infinie & indépendante, cette fubftance eft plus chofe, ou a plus de realité, c'eft à dire participe plus de l'eftre ou de la chofe, que la fubftance finie & dépendante. Ce qui eft de foy fi ma- nifefte, qu'il n'eft pas befoin d'y aporter vne plus ample explication.

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