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, 32-134. Secondes Réponses. io^

l'entendement ; & il fe peut faire en plufieurs façons qu'vne feule & mefme chofe paroilTe à nos fens fous diuerfes formes, ou en plufieurs lieux ou manières, & qu'ainfi elle foit prife pour deux. Et enfin, fi vous vous reffouuenez de ce qui a efté dit de la cire à la fin de la féconde Méditation, vous fçaurez que les corps meimes ne font pas proprement connus par les fens, mais par le feul entende- ment ; en telle forte que fentir vne chofe fans vne autre, n'elt rien finon auoir l'idée d'vne chofe, & entendre que cette idée n'ell pas la mefme que l'idée d'vne autre : or cela ne peut eftre connu d'ailleurs, I que de ce qu'vne chofe elt conceuë fans l'autre ; & cela ne peut eftre I certainement connu, fi l'on n'a l'idée claire & diftinèle de ces deux 172 chofes : & ainfi ce figne de réelle diftinaion doit eftre réduit au mien pour eftre certain.

Que s'il y en a qui nient qu'ils ayent des idées diftindes de l'ef- prit & du corps, ie ne puis autre chofe que les prier de confiderer allez attentiuement les chofes qui font contenues dans cette féconde Méditation, & de remarquer que l'opinion qu'ils ont que les parties du cerueau concourent auec l'efprit pour former nos penfées, n'eft point fondée fur aucune raifon pofitiue, mais feulement fur ce qu'ils n'ont iamais expérimenté d'auoir efté fans corps, & qu'aftez fou- ucnt ils ont efté empefchez par luy dans leurs opérations; & c'eft le mefme que fi quelqu'vn, de ce que dés fon enfance il auroit eu des fers aux pieds, eftimoit que ces fers fiflent vne partie de fon corps, & qu'ils luy fulfent neceffaires pour marcher.

En fécond lieu, lorfque vous dites : Que nous auons en nous- mej'mes vn Jondement Juffifant pour former l'idée de Dieu, vous ne dites rien de contraire à mon opinion. Car i'ay dit moy-mefme en termes exprés, à la fin de la troifiéme Méditation : Qite cette idée efl née auec moy, & quelle ne me vient point d' ailleurs que de mof -mefme. l'auoue auflî que nous la pour ions former, encore que nous lie fcetif- fions pas qu'il f a vn fouuerain eflre, mais non pas fi en effeél il n'y en auoit point; car, au contraire, i'ay s^àn^xv^ que toute la force de mon argument confifte en ce qu'il ne fe pouroit faire que la facul\lé 173 déformer cette idéefufl en mof,fi ie n'auois efié créé de Dieu.

Et ce que vous dites des mouches, des plantes, &c., | ne prouue en aucune façon que quelque degré de perfedion peut eftre dans vn effed, qui n'ait point efté auparauant dans fa caufe. Car, ou il eft certain qu'il n'y a point de perfection dans les animaux qui n'ont point de raifon, qui ne fe rencontre aulfi dans les corps inanimez, ou s'il y en a quclqu'vne, qu'elle leur vient d'ailleurs, & que le Soleil, la pluye & la terre ne font point les caufes totales de ces animaux. Œuvres. IV. '4

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