Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, IX.djvu/110

Cette page n’a pas encore été corrigée

84 OEuvRES DE Descartes. 104-106.

répondre de vray-femblable. | Car, en effet, il n'eft pas plus probable de dire que la caufe pourquoy l'idée de Dieu eft en nous, foit l'im- perfedion de noflre efprit, que fi on difoit que l'ignorance des mechaniques fufl: la caufe pourquoy nous imaginons plutoft vne machine fort pleine d'artifice qu'vne autre moins parfaite. Car, tout au contraire, fi quelqu'vn a l'idée d'vne machine, dans laquelle foit conteau tout l'aftifice que l'on fçauroit imaginer, l'on infère fort bien de là, que cette idée procède d'vne caufe dans laquelle il y auoit réellement & en effet tout l'artifice imaginable, encore qu'il ne foit qu'objediuement & non point en effet dans cette idée. Et par la mefme raifon, puifque nous auons en nous l'idée de Dieu, dans la- quelle toute la perfection eft contenue que l'on puiffe iamais conce- uoir, on peut de là conclure tres-euidemment, que cette idée dépend & procède de quelque caufe, qui contient en foy véritablement toute cette perfedion, à fçauoir, de Dieu réellement exiftant. Et certes la difficulté ne paroiftroit pas plus grande en l'vn qu'en l'autre, fi, comme tous les hommes ne font pas fçauans en la mechanique, & pour cela ne peuuent pas auoir des idées de machines fort artifi- cielles, ainfi tous n'auoient pas la mefme faculté de conceuoir l'idée de Dieu. Mais, parce qu'elle eft emprainte d'vne mefme façon dans l'efprit de tout le monde, & que nous ne voyons pas qu'elle nous d33 vienne iamais d'ailleurs que de nous-mefmes, nous fupofons | qu'elle apartient à la nature de noftre efprit. Et certes non mal à propos; mais nous oublions vne autre chofe que l'on doit principalement confiderer, & d'où dépend toute la force, & toute la lumière, ou l'intelligence de cet argument, qui eft que cette faculté d'auoir en fof l'idée de Dieu ne pourvoit pas ejlre en nous, fi nojlre efprit ejloit feulement vne chofe finie, \comme il ejl en effet, & qu'il n'eujl point, pour caufe defon eftre, vne caufe quifujl Dieu. C'eft pourquoy, outre cela, i'ay demandé, fçauoir fi ie pourrois eftre, en cas que Dieu ne fuft point, non tant pour aporter vne raifon différente de la précé- dente, que pour expliquer la mefme plus exactement.

Mais icy la courtoifie de cet aduerfaire me iette dans vn pallage affez difficile, & capable d'attirer fur moy l'enuie & la ialoufie de plufieurs ; car il compare mon argument auec vn autre tiré de Saint Thomas & d'Ariftote, comme s'il vouloit par ce moyen m'obliger à dire la raifon pourquoy, eftant entré auec eux dans vn mefme che- min, ie ne I'ay pas neantmoins fuiuy en toutes choies; mais ie le prie de me permettre de ne point parler de? autres, & de rendre feulement raifon des chofes que i'ay écrites. Premièrement donc, ie n'ay point tiré mon argument de ce que ie voyois, que dans les

�� �