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io?-io4. Premières Réponses. 8j

pour eftre conceuë, & de celle-là feule il eft icy queftion. Ainfi, fi quelqu'vn a dans l'efprit l'idée de quelque machine fort artificielle, on peut auec raifon demander quelle efl; la caufe de cette idée; & celuy-là ne fatisferoit pas, qui diroitque cette idée hors de l'enten- dement n'eft rien, & partant qu'elle ne peut eftre caufée, mais feu- lement conceuë; car on ne demande icj' rien autre chofe, finon quelle eft la caufe pourquoy elle efl conceuë. Celuy-là ne fatisfera pas auffi, qui dira que l'entendement mefme en eft la caufe, en tant que c'eft vne de fes opérations ; car on ne doute point de cela, mais feulement on demande quelle eft la caufe de l'artifice objeftif qui eil en elle. Car que cette idée | contienne vn tel artifice objedif plutoft qu'vn autre, elle doit fans doute auoir cela de quelque caufe, & l'artifice objedif eft la mefme chofe aa refpect de cette idée, qu'au refpe6t de l'idée de Dieu la realité objediue. Et de vray on peut afligner diuerfes caufes de cet artifice ; car ou c'elt vne réelle & femblable machine qu'on aura veuë. auparauant, à la reffemblance de laquelle cette idée a erté formée, ou vne grande connoilTance de la mejchanique qui eft dans l'entendement, ou peut-eftrevne grande 131 fubtilité d'efprit, par le moyen de laquelle il a peu l'inuenter fans aucune autre connoiflance précédente. Et il faut remarquer que tout l'artifice, qui n'eft qu'objetiliuement dans cette idée, doit efire formellement ou éminemment dans fa caufe, quelle que cette caufe puiffe eftre. Le mefme aufil faut-il penfer de la realité objeftiue qui eft dans l'idée de Dieu, Mais en qui eft-ce que toute cette realité, ou perfection, fe pourra rencontrer telle, finon en Dieu réellement exif- tant ? Et cet efprit excellent a fort bien veu toutes ces chofes; c'eft pourquo}' il confeife qu'on peut demander pourquo)' cette idée con- tient cette realité objetliue plutoft qu'vne autre : à laquelle demande il a répondu, premièrement, que de toutes les idées, il en eft de mefme que de ce que i'ay efcrit de l'idée du triangle, fcauoir eft que, bien que peut-eftre il n'y ait point de triangle en aucun lieu du monde, il ne laijjé pas d'y auoir vne certaine nature, ou forme, ou ejfence déter- minée du triangle, laquelle eft immuable & éternelle, & laquelle il dit n'ajioir pas befoin de caufe. Ce que neantmoins il a bien iugé ne pouuoir pas fatisfaire ; car, encore que la nature du triangle foit immuable & éternelle, il n'eft pas pour cela moins permis de de- mander pourquoy fon idée eft en nous. C'eft pourquoy il a adjoûté : Si neantmoins vous me pre£'e\ de vous dire rne raifon, ie vous diraj que c'eft Vimperfeâion de noftre efprit, &c. Par laquelle réponfe il femble n'auoir voulu fignifier autre chofe, finon que ceux qui fe voudront icy | éloigner de mon fentiment. ne pourront rien 132

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