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604 Correspondance. i, 108-109.

reffemblance ; car, de ce que noftre ame eft de telle nature qu'elle a pu eftre vnie à vn corps, elle a auffi cette propriété que chacune de fes penfées fe peut tel- lement aflocier auec quelques mouuemens ou autres difpofitions de ce corps, que, lors que les mefmes dif- 5 pofitions fe trouuent vne autre fois en luy, elles in- duifent lame à la mefme penfée; & réciproquement, lors que la mefme penfée reuient, elle prépare le corps à receuoir la mefme difpofition. Ainfi, lors qu'on apprend vne langue, on ioint les lettres ou la 10 prononciation de certains mots, qui font des chofes matérielles, auec leurs fignifîcations, qui font des penfées; en forte que, lors qu'on oyt après derechef les mefmes mots, on conçoit les mefmes chofes; & quand on conçoit les mefmes chofes, on fe reflbu- i5 uient des mefmes mots.

Mais les premières difpofitions du corps qui ont ainfi accompagné nos penfées, lors que nous fommes entrés au monde, ont dû fans doute fe ioindre plus étroitement auec elles, que celles qui les acompa- 20 gnentpar après. Et pour examiner l'origine de la cha- leur qu'on fent autour du cœur, & celle des autres dif- pofitions du corps qui accompagnent l'amour, ie confidere que, dés le premier moment que noftre ame a efté iointe au corps, il eft vrav-femblable qu'elle j5 a fenty de la ioye, & incontinent après de l'amour, puis peut-eftre auffi de la haine, & de la triftefle ; & que les mefmes difpofitions du corps, qui ont pour lors caufé en elles ces paffions, en ont naturellement par après acompagné les penfées. le iuge que fa 3o première paffion a efté la ioye, pource qu'il n'eft pas

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