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i, 4 6. CDXXXII. — Mai 1646. 409

ayme beaucoup, on délire peu, lors qu'on ne conçoit aucune efperance ; & pource qu'on n'a point alors la diligence & la promptitude qu'on auroit, fi le defir eftoit plus grand, on peut iuger que c'eft de luy qu'elle 5 vient, & non de l'amour.

le croy bien que la trifteffe ofte l'apetit à pluûeurs; mais, pource que i'ay toufiours éprouué en moy qu'elle l'augmente 3 , ie m'eftois réglé là deffus. Eti'eftime que la différence qui arriue en cela, vient de ce que le pre-

10 mier fuiet de trifteffe que quelques-vns ont eu au commencement de leur vie, a efté qu ils ne receuoient pas affez de nourriture, & que celuy des autres a efté que celle qu'ils receuoient leur eftoit nuifible. Et en ceux-cy le mouuement des efprits qui ofte l'apetit eft

i5 toufiours depuis demeuré ioint auec la paffion de la trifteffe. Nous voyons auffi que les mouuemens qui accompagnent les autres paflîons ne font pas entière- ment femblables en tous les hommes, ce qui peut eftre attribué à pareille caufe.

20 Pour l'admiration, encore qu'elle ait fon origine dans le cerueau, & ainû que le feul tempérament du fang ne la puiffe caufer, comme il peut fouuent caufer la ioye ou la trifteffe, toutesfois elle peut, par le moyen de l'impreffion qu'elle fait dans le cerueau, agir fur le

2 5 corps autant qu'aucune des autres pallions, ou mefme plus en quelque façon, à caufe que la furprife qu'elle contient caufe les mouuemens les plus promts de tous. Et comme on peut mouuoir la main ou le pié

a. L'exemplaire de l'Institut renvoie à ce passage de Descartes, que Bailler cite en marge, II, 449 : « Adverto me, si tristis sim aut inpericulo » verser, et tristia occupent negotia, altum dormire et comedere avidis- » simè. Si vero laetitiâ distendar, nec edo, nec dormio. » (Fragm. MSS. Correspondance. IV. 52

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