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nous meſmes, ainſy celle de noſtre libre arbitre ne nous doit point ſaire douter de l’exiſtence de Dieu. Car l’independance que nous experimentons & ſentons en nous, & qui ſuffit pour rendre nos actions louables ou blaſmables, n’eſt pas incompatible auec vne dependance qui eſt d’autre nature, ſelon laquelle toutes choſes ſont ſuietes a Dieu.

Pour ce qui regarde[1] l’eſtat de l’ame apres cete vie[2], i’en ay bien moins de connoiſſance que Mr d’Igby ; car, laiſſant a part ce que la foy nous en enſeigne, ie confeſſe que, par la ſeule raiſon naturelle, nous pouuons bien ſaire beaucoup de coniectures a noſtre auantage & auoir de belles eſperances, mais non point aucune aſſurance. Et pour ce que la meſme[3] raiſon naturelle nous apprent auſſy que nous auons touſiours plus de biens que de maux en cete vie, & que nous ne deuons point laiſſer le certain pour l’incertain, elle me ſemble nous enſeigner que nous ne deuons pas veritablement craindre la mort, mais que nous ne deuons auſſy iamais la rechercher.

Ie n’ay pas besoin de reſpondre a l’obiection que peuuent ſaire les Theologiens, touchant la vaſte eſtendue que i’ay attribuée a l’vniuers[4], pour ce que V. A. y a deſia reſpondu pour moy. I’adiouſte ſeulement que, ſi cete eſtenduë pouuoit rendre les myſteres de noſtre religion moins croyables, celle que les aſtronomes ont attribuée de tout tems[5] aux cieux, auroit pu faire le meſme, pour ce qu’ils les ont conſiderez ſi grans

  1. regarde] eſt de.
  2. Page 323, l. 11.
  3. meſme omis.
  4. Ibid., l. 26.
  5. de tout temps attribuée.