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282 Correspondance. i, 1&-19.

maladies qui, oftant le pouuoir de raifonner, oftent auffy celuy de iouir d'vne fatisfaétion d'efprit raifon- nable ; & cela m'apprent que ce que i'auois dit géné- ralement de tous les hommes, ne doit eftre entendu que de ceux qui ont l'vfage libre de leur raifon, & 5 auec cela qui fçauent le chemin qu'il faut tenir pour paruenir a cete béatitude. Car il n : y a perfonne qui ne délire fe rendre hiireux ; mais plufieurs n'en fça- uent pas le moyen ; & fouuent l'indifpofition qui eft dans le corps, empefche que la volonté ne foit libre. '<> Comme il arriue auffy quand nous dormons ; car le plus philofophe du monde ne fçauroit s'empefcher d'auoir de mauuais fonges, lorfque fon tempérament l'y difpofe. Toutefois l'expérience fait voir que, fi on a eu fouuent quelque penfée, pendant qu'on a eu l'ef- '5 prit en liberté, elle reuient encore après, quelque indifpofition qu'ait le cors ; ainfy ie puis dire que mes fonges ne me reprefentent iamais rien de fafcheux, & fans doute qu'on a grand auantage de s'eftre des long tems accouftumé a n'auoir point de trilles pen- »° fées. Mais nous ne pouuons refpondre abfolument de nous mefmes, que pendant que nous fommes a nous, & c'eft moins | de perdre la vie que de perdre l'vfage de la raifon ; car, mefme fans les enfeignemens de la foy, la feule philofophie naturelle fait efperer a noftre î5 ame vn eftat plus hureux, après la mort, que celuy ou elle eft a prefent ; & elle ne luy fait rien craindre de plus fafcheux, que d'eftre attachée a vn cors qui luy ofte entièrement fa liberté.

Pour les autres indifpofitions, qui ne troublent pas 3o 14 l'y] luy. — on] l'on. — 17 puis dire] me puis vanter,

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