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266 Correspondance. i. h.

que, par ce moyen, il s'accouftume a ne les point dé- lirer ; car il n'y a rien que le defir, & le regret ou le repentir, qui nous puiflent empefcher d'eftre contens : mais fi nous faifons toufiours tout ce que nous di&e noftre raifon, nous n'aurons iamais aucun fuiet de 5 nous repentir, encore que les euenemens nous fhTent voir, par après, que nous nous fommes trompez, pour ce que ce n'eft point par noftre faute. Et ce qui fait que nous ne defirons point d'auoir, par exemple, plus de bras ou plus de langues que nous n'en auons, 10 mais que nous defirons bien d'auoir plus de fanté ou plus de richeffes, c'eft feulement que nous imaginons que ces chofes icy pourroient eftre acquifes par noftre conduite, ou bien qu'elles font deues a noftre nature, & que ce n'eft pas le mefme des autres : de laquelle 1 5 opinion nous pourrons nous dépouiller, en confide- rant que, puifque nous auons toufiours fuiui le con- feil de noftre raifon, nous n'auons rien omis de ce qui eftoit en noftre pouuoir, & que les maladies &les infortunes ne font pas moins naturelles a l'homme, 20 que les profperitez & la fanté.

Au refte, toute forte de defirs ne font pas incom- patibles auec la béatitude ; il n'y a que ceux qui font accompagnez d'impatience & de trifteffe. Il n'eft pas neceflaire auffy que noftre raifon ne fe trompe point; 25 il fuffit que noftre confcience nous tefmoigne que nous n'auons iamais manqué de refolution & de vertu, pour exécuter toutes les chofes que nous auons iugé eftre les meilleures, & ainfy la vertu feule eft fuffi-

4 tout omis. — 12 nous nous imaginons. — i3 icy] cy. — 22 toutes fortes.

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