On peut, ce me ſemble, ayſement remarquer icy la difference qui eſt entre l’entendement & l’imagination ou le ſens ; car elle eſt telle, que ie croy qu’vne perſonne, qui auroit d’ailleurs toute ſorte de ſuiet d’eſtre contente, mais qui verroit continuellement repreſenter deuant ſoy des Tragedies dont tous les actes fuſſent funeſtes, & qui ne s’ocuperoit qu’à conſiderer des obiets de triſteſſe & de pitié, qu’elle ſceuſt eſtre feints & fabuleux, en ſorte qu’ils ne fiſſent que tirer des larmes de ſes yeux, & émouuoir ſon imagination, ſans toucher ſon entendement, ie croy, dis-ie, que cela ſeul fuffiroit pour acoutumer ſon cœur à ſe reſſerrer & à ietter des ſoupirs, en ſuite de quoy la circulation du ſang eſtant retardée & allentie, les plus groſſieres parties de ce ſang, s’attachant les vnes aux autres, pourroient facilement luy opiler la rate, en s’embaraſſant & s’arreſtant dans ſes pores ; & les plus ſubtiles, retenant leur agitation, luy pourroient alterer le poumon, & cauſer vne toux, qui à la longue ſeroit fort à craindre. Et, au contraire, vne perſonne qui auroit vne infinité de veritables ſuiets de déplai|ir, mais qui s’étudieroit auec tant de ſoin à en détourner ſon imagination, qu’elle ne penſaſt iamais à eux, que lors que la neceſſité des affaires l’y obligeroit, & qu’elle employaſt tout le reſte de ſon temps à ne conſiderer que des obiets qui luy puſſent apporter du contentement & de la ioye, outre que cela luy ſeroit grandement vtile, pour iuger plus ſainement des choſes qui luy importeroient, pource qu’elle les regarderoit ſans paſſion, ie ne doute point que cela ſeul ne fuſt capable de la remettre en ſanté, bien que ſa rate & ſes pou-