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tout, i’ay peur que la pluspart des hommes est tellement imbeu de faux principes, pris par autorité sans les examiner, et d’une croyance qu’on ne peut rien trouuer de certain en matieres physiques, qu’ils ne formeront point de conceptions natureiles et legitimes de ce que ie y diray, et ne se donneront pas la peine de mediter et speculer iusques au fonds de ce que i’auray dit, pour ainsi comprendre sa force. Mais ie ne m’en soucie gueres ; ce me sera tousiours un diuertissement de beaucoup de contentement. Et l’approbation d’un Pere Mersene, d’un Galilee, et d’un Monsrdes Cartes, me sera plus que tout le reste du monde. Et le leur ie me promets desia hardiment. »

Digby parle ensuite d’un « livre de Galilee imprimé a Leyden, qui tesmoigne que l’auteur a un admirable esprit. Mais cela n’empesche pas qu’il (M. Blaclo, c’est-à-dire Thomas Blackloë) ne voye aussi qu’il y a plusieurs erreurs et faussetés, qui prouiennent, pour la pluspart, de ce qu’il n’est pas si bien fondé dans les Metaphysiques, comme il est exacte et iudicieux obseruateur des Phenomenes physiques. Mais les erreurs de telles gens, comme Galilee et Monsieur des Cartes, (prouenants de quelque manquement aux principes qui ne sont pas parfaitement bien penetrez), sont plus a estimer et plus ingenieux que touts les volumes des Philosophes modernes vulgaires, qui se croyent bien subtils et profonds, quand ils bastissent et texunt des toiles de airaignées sur des termes qu’ils n’entendent point, et qui, en effet, ne signifient rien. Ie n’ay pas veu encore le Discours de Monsrdes Cartes sur les Mechaniques, ny son Introduction a la Geometrie. Vous m’obligerez beaucoup de me le faire voir, et ie vous le renuoyeray. Si vous le donnez a Monsrdu Bosc, il me le fera tenir seurement. Continuez a soliciter Monsr des Cartes, ie vous suplie, qu’il acheue sa Philosophie, pour le bien de touts ceux qui ayment les lettres, et afin que d’oresenauant les scioli et pretendeurs aux sciences n’ayent plus d’excuse pour leur ignorance, dans l’incertitude de toutes choses… »

« De Londres, le 14 de feurier 1639. »

D’après la lettre qui suit, il faut lire, suivant le nouveau style, 24 (et non pas 14) février 1640 (et non pas 1639), en commençant l’année au 1er janvier, et non, comme faisait Digby, à Pâques.

Dans cette nouvelle lettre, du 5/15 mars 1639/1640, Digby rappelle la précédente, écrite quinze jours avant et qui était « accompagnée de l’introduction de Monsrdes Cartes a l’Algebre, et des papiers que l’on m’a enuoyé d’Oxford touchant les traittés de Raymond Lulle qui se trouuent là. » (MS. fr. n. a. 6204, p. 312 [154].)

Puis, revenant à son traité : « Ie vous accorde, dit-il, que qui veut prouuer l’Immortalité de l’ame ou l’Existence de Dieu, se doit seruir de quelques notions communes, qui seront comme base a tout le raisonnement sur ce point : mais il me semble que le discours de vos geometres manque en cecy, qu’ils voudroient que cette notion commune soit comme un instinct ou veuë interieure confuse de la chose. Cela seroit