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Philoſophes cruels, qui veulent que leur ſage ſoit inſenſible. Ie ſçay auffi que voſtre Alteſſe n’eſt point tant touchée de ce qui la regarde en ſon particulier, que de ce qui regarde les intereſts de ſa maiſon & des perſonnes qu’elle affectionne ; ce que l’eſtime comme vne vertu la plus aimable de toutes. Mais il me ſemble que la difference qui eſt entre les plus grandes ames & celles qui ſont baſſes & vulgaires, conſiſte, principalement, en ce que les ames vulgaires ſe laiſſent aller à leurs paſſions, & ne ſont heureuſes ou malheureuſes, que ſelon que les choſes qui leur ſuruiennent font agreables ou deplaiſantes ; au lieu que les autres ont des raiſonnemens ſi forts & ſi puiſſans que, bien qu’elles ayent auſſi des paſſions, & meſme ſouuent de plus violentes que celles du commun, leur raiſon demeure neantmoins touſiours la maiſtreſſe, & fait que les afflictions meſme leur ſeruent, & contribuent à la parfaite felicité dont elles iouiſſent dés cette vie. Car, d’vne part, ſe conſiderant comme immortelles & capables de receuoir de tres-grands contentemens, puis, d’autre-part, conſiderant qu’elles ſont iointes à des cors mortels & fragiles, qui ſont ſuiets à beaucoup d’infirmitez, & qui ne peuuent manquer de perir dans peu d’années, elles ſont bien tout ce qui eſt en leur pouuoir pour ſe rendre la Fortune fauorable en cette vie, mais neantmoins elles l’eſtiment ſi peu, au regard de l’Eternité, qu’elles n’en confiderent quaſi les euenemens que comme nous faiſons ceux des Comedies. Et comme les Hiſtoires triſtes & lamentables, que nous voyons repreſenter ſur vn theatre, nous donnent ſouuent autant de recreation que les gayes, bien