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que les parties du vif argent & des autres metaux ont moins de tels pores, pour faire entendre pourquoy ces metaux ſont plus peſans. Car, par exemple, encore que nous auoüaſſions que les parties de l’eau & celles du vif argent fuſſent de meſme groſſeur & figure, & que leurs mouuemens fuſſent ſemblables, ſi ſeulement nous ſupoſons que chacune des parties de l’eau eſt comme vne petite corde fort molle & fort laſche, mais que celles du vif argent, ayant moins de pores, ſont comme d’autres petites cordes beaucoup plus dures & plus ſerrées, cela ſufit pour faire entendre que le vif argent doit beaucoup plus peſer que l’eau.

Pour les petites parties tournées en coquille[1], ce n’eſt pas merueille qu’elles ne ſoient point détruites par le feu qui eſt au centre de la terre. Car ce feu-là n’eſtant compoſé que de la matiere tres-ſubtile toute ſeule, il peut bien les emporter fort viſte, mais non pas les faire choquer contre quelques autres cors durs ; ce qui ſeroit requis pour les rompre ou diſifer.

Au reſte, ces parties en coquille ne prennent point vn trop grand tour pour retourner d’vn pole à l’autre[2]. Car ie ſuppoſe que la pluſpart paſſe par le dedans de la terre ; en ſorte qu’il n’y a que celles qui ne trouuent point de paſſage plus bas, qui retournent par noſtre air. Et c’eſt la raiſon que ie donne, pourquoy la vertu de l’aimant ne nous paroiſt pas ſi forte en toute la maſſe de la terre, qu’en de petites pierres d’aimant.

  1. Page 132, l. 18.
  2. Ib., l. 27.