ſent qu’obſcurement par l’entendement ſeul, ny meſme par l’entendement aidé de l’imagination ; mais elles ſe connoiſſent tres-clairement par les ſens[1]. D’où vient que ceux qui ne philoſophent iamais, & qui[2] ne ſe ſeruent que de leurs ſens[3], ne doutent point que l’ame ne meuue le corps, & que le corps n’agiſſe ſur l’ame ; mais ils conſiderent l’vn & l’autre comme vne ſeule choſe, c’eſt à dire, ils conçoiuent leur vnion ; car conceuoir l’vnion qui eſt entre deux choſes, c’eſt[4] les conceuoir comme vne ſeule. Et les penſées Metaphyſiques, qui exercent l’entendement pur, ſeruent à nous rendre la notion de l’ame familiere ; & l’étude des Mathematiques, qui exerce principalement l’imagination en la conſideration des figures & des mouuemens, nous acoutume à former des notions du corps bien diſtinctes ; et enfin, c’eſt en vſant ſeulement de la vie & des conuerſations ordinaires, & en s’abſtenant de mediter & d’étudier aux choſes qui exercent l’imagination, qu’on apprend à conceuoir l’vnion de l’ame & du corps.
I’ay quaſi peur que voſtre Alteſſe ne penſe que ie ne parle pas icy ſerieuſement ; mais cela ſeroit contraire au respect que ie luy dois, & que ie ne manqueray iamais de lui rendre. Et ie puis dire, auec verité, que la principale regle que i’ay touſiours obſeruée en mes études, & celle que ie croy m’auoir le plus ſeruy pour acquerir quelque connoiſſance, a eſté que ie n’ay iamais employé que fort peu d’heures, par iour, aux penſées qui occupent l’imagination, & fort peu d’heures, par an, à celles qui occupent l’entendement