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du fens les accorde. Or nonobftant qu'il foit tres-vray qu'aucune chofe extérieure n'eft en noftre pouuoir, qu'en tant qu elle dépend de la direélion de noftre ame, & que rien n'y eft abfolument que nos penfées; & qu'il
5 n'y ait, ce me femble, perfonne qui puiffe faire difficulté de l'accorder, lors qu'il y penfera expreffement ; i'ay dit neantmoins qu'il faut s'accoutumer à le croire, & mefme qu'il eft befoin à cet effet d'vn long exercice, & d'vne méditation fouuent réitérée; dont la raifon
10 eft que nos appétits & nos paffions nous dident con- tinuellement le contraire; & que nous auons tant de fois éprouué dés noftre enfance, qu'en pleurant, ou commandant, &c., nous nous fommes faits obeïr par nos nourrices, & auons obteilu les chofes que nous
i5 defirions, que nous nous fommes infenfiblement per- fuadez que le monde n'eftoit fait que pour nous, & que toutes chofes nous eftoient deûes. En quoy ceux qui font nez grands & heureux, ont le plus d'occafion de fe tromper; & l'on voit aufli que ce font ordinai-
20 rement eux qui fuportent le plus impatiemment les difgraces de la fortune. Mais il n'y a point, ce me femble, de plus digne occupation pour vn Philofophe, que de s'accoutumer à croire ce que luy dide la vraye raifon, & à fe garder des fauffes opinions que fes ap-
2 5 petits naturels luy perfuadent.
} . Lors qu'on dit : le refpire, donc iefuis, fi l'on veut conclure fon exiftence de ce que la refpiration ne peut eftre fans elle, on ne conclud rien, à caufe qu'il fau- droit auparauant auoir prouué qu'il eft vray qu'on
3o refpire, & cela eft impoffible, fi ce n'eft qu'on ait aufli prouué qu'on exifte. Mais fi l'on veut conclure fon
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