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Je dérober à ceux qui s’accoutumoient à l’importuner. M. Regius fe trouvant encore trop éloigné de luj, crut qu’étant une fois hors de fa chère folitude de Nort-Hollande, toute autre demeure tuy/eroit affe^ indifférente. C’est ce qui le porta à luj en écrire au commencement du mois de Décembre (en marge : le 3 de ce mois), pour le conjurer de vouloir fe rapprocher d’Utrecht, tant pour fon intérêt particulier qui luyfaifoit confidérer la commodité qu’il aurait de conférer avec luy plus fouvent, que pour la fatisfaâion de quantité d’amis qu’il avoit dans la ville, et fur tout de M. le Colonel Alphonfe, qui l’avoit chargé de luy marquer fa paffwn làdeffus. Il prit cette occafton pour luy faire le récit de ce qui s’étoit pajfé àfon fujet en une célèbre com- pagnie, où il s’étoit trouvé dans la ville de Leyde. Il y était allé au mois de Novembre, après que fa femme fut relevée defes couches qui luy avoient produit un fils qui ne vécut que trois jours, pour être préfent à la réception d’un de fes parents au rang des Doâeurs en Droit. Durant le Fejin que le nouveau Doâeur donna aux Profef- feurs et à plufeurs autres perfonnes, la plufpart gens de lettres, le difcours ne manqua pas de tomber fur M. Def cartes, dont plufieurs des convie\fe difoient amis. Il en fut parlé comme du plus rare génie du fiécle, et comme d’un homme extraordinairement fufcilé pour ouvrir les voyesde la véritable Philofophie. Les plusardens à publier fon mérite furent M. Golius, Profeffeur des Mathématiques & des Langues Orientales, et le fieur Abraham Heidanus, Minifîre, et célèbre Prédicateur de la ville. (Suivent quelques détails sur Hei- danus, tirés de Sorbière, Lettr. et Rel., in-S, pag. 137). Ces deux Meffieurs ne fe laffoient pas de faire admirer à la Compagnie la grandeur de l’efprit de M. Defcartes et la beauté de fes découvertes. Mais fur ce que M. Regius les interrompit, pour dire qu’il n’y avoit point eu de Philofophes dans toute l’Antiquité, 7iy dans les tems poflèrieurs, que M. Defcartes ne surpassât infiniment, M. Heidanus luy demanda ce qu’il penfoit des Pythagoriciens et de leur Philosophie. A quoi M. Regius répondit que le fort de la Philosophie Pythagoricienne consistoit principalement dans la science des Nombres, mais que, si le plus habile d’entre eux pouvait revenir dans le monde, il ne paroitroit rien auprès de M. Descartes. »