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à vous-meſme, & par cette inconſtance vous vous eſtes apreſté tant d’échapatoires, que ce ſeroit perdre le temps de vouloir vous arreſter, iuſques à ce que vous vous ſoyez arreſté vous-meſme, comme bon Logicien, à vne ſtable définition de la Lumiere. 5 Neantmoins il me ſemble, par le nombre 10 cy-deſſus, que vous entendez principalement que la Lumiere ſoit l’action, ou le mouuement, dont le Soleil ou autre corps lumineux pouſſe voſtre matiere ſubtile. Ce qu’eſtant ſupoſé, puiſque le Soleil eſt premier que ce 10 mouuement, duquel il eſt la cauſe efficiente, il s’enſuiura que le Soleil, de ſa nature, n’aura point de lumiere ; ou que ſa lumiere n’eſtoit point compriſe en voſtre définition, & qu’elle eſt premiere que celle que vous définiſſez. Mais l’Ecole vous prouueroit que 15 toute action eſt eſſentiellement vn eſtre relatif, & que | tout mouuement dit en ſon eſſence vn eſtre potentiel ; mais que l’eſſence de la Lumiere n’a ny l’vn ny l’autre, veu que de ſa nature elle eſt vn acte, ou vne forme abſoluë. 20

2. De plus, il ne ſuffit pas que la matiere ſubtile ſoit muë par quelque cauſe que ce ſoit ; autrement durant les orages & les tempeſtes d’vne obſcure nuit, excitées principalement par les vens, l’air & la mer paroiſtroient tout en feu, & l’on verroit lors clair 25 comme de iour ; mais il faut qu’elle ſoit muë par les corps lumineux, en tant que lumineux. D’où s’enſuit que leur lumiere eſt premiere que celle que vous definiſſez, qui ne conſiſte qu’en l’action ou mouuement dont les corps lumineux, par leur lumiere, pouſſent 30

6 deſſus] deuant. — 25 lors] alors. — 26 de] en plein.