en France même. Et il pouvait en cela se croire assez fidèle à la pensée du philosophe : car enfin on ne retrouvait dans les papiers de celui-ci que ce qu’il avait jugé digne d’être conservé, et tout le reste, qui manquait, lettres reçues ou lettres envoyées, n’avait sans doute pas grande importance à ses yeux. Si d’ailleurs les lettres que Clerselier a publiées, sont elles-mêmes trop sobres d’indications sur les événements du jour ou de détails sur les personnes, ces vétilles ne figuraient pas sans doute dans les minutes : n’était-ce pas assez de les écrire une fois dans la lettre à envoyer ? Puis ces défauts, auxquels notre curiosité historique n’est aujourd’hui que trop sensible, passaient inaperçus au xviie siècle, où l’on était surtout curieux des idées d’un philosophe. La preuve en est que plus tard, lorsque Baillet donnera une copieuse histoire de Descartes, sans faire grâce aux lecteurs de tant de menus faits, racontés avec une abondance dont on ne se plaindrait plus aujourd’hui, il se trouva, en 1691, des critiques pour lui reprocher de s’être attardé et appesanti sur des choses sans intérêt, et d’avoir inutilement ainsi surchargé son gros livre. Mais ce souci minutieux du réel, qui caractérise Baillet, nous est un sûr garant que l’édition nouvelle des Œuvres de Descartes, que préparait son collaborateur Jean-Baptiste Legrand, aurait mieux répondu aux exigences non pas de son temps, mais du nôtre, ainsi qu’on va le voir en examinant ce qui en a subsisté.
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