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de viure en repos & de continuer la vie que i’ay commencée en prenant pour ma deuiſe : benè vixit, benè qui latuit[1], fait que ie ſuis plus aiſe d’eſtre deliuré de la crainte que i’auois d’acquerir plus de connoiſſances que ie ne deſire, par le moyen de mon Ecrit, 5 que ie ne ſuis faſché d’auoir perdu le temps & la peine que i’ay employée à le compoſer.

Pour les raiſons que diſent vos muſiciens, qui nient les proportions des conſonances, ie les trouue ſi abſurdes, que ie ne ſçaurois quaſi plus y répondre. 10 Car de dire qu’on ne ſçauroit diſtinguer de l’oreille la difference qui eſt entre vne octaue & trois ditons, c’eſt tout de meſme que qui diroit que toutes les proportions que les architectes preſcriuent touchant leurs colomnes, ſont inutiles, à cauſe qu’elles ne 15 laiſſent pas de paroiſtre à l’œil tout auſſi belles, encore qu’il manque quelque millieſme partie de leur iuſteſſe. Et meſme ſi M. M. viuoit encore, il pourroit bien témoigner que la difference qui eſt entre les demy-tons majeur & mineur, eſt fort ſenſible ; car 20 aprés que ie luy eus vne fois fait remarquer, il diſoit ne pouuoir plus ſouffrir les accords où elle n’eſtoit pas obſeruée. Ie ſerois bien aiſe de voir la Muſique de cet Autheur, où vous dites qu’il pratique les diſſonances en tant de nouuelles façons, & ie vous prie 25 de m’en écrire le nom, afin que ie puiſſe faire venir ſon liure par nos libraires.

Pour la cauſe qui fait ceſſer le mouuement d’vne pierre qu’on a iettée, elle eſt manifeſte ; car c’eſt la reſiſtance du cors de l’air, laquelle eſt fort ſenſible. 30

  1. Ovid., Trist., III, iv, 25.