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des ſons deſagreables & inſuportables à l’oüye : car toute la difference des inflexions des mots ne s’eſt faite par l’vſage que pour éuiter ce defaut, & il eſt impoſſible que voſtre autheur ait pû remédier à cet 5 inconuenient, faiſant ſa grammaire vniuerſelle pour toutes ſortes de nations ; car ce qui eſt facile & agreable à noſtre langue, eſt rude & inſuportable aux Allemans, & ainſi des autres. Si bien que tout ce qui ſe peut, c’eſt d’auoir éuité cette mauuaiſe rencontre des 10 ſyllabes en vne ou deux langues ; et ainſi ſa langue vniuerſelle ne ſeroit que pour vn pays. Mais nous n’auons que faire d’aprendre vne nouuelle langue, pour parler ſeulement auec les François. Le ſecond inconuenient eſt pour la difficulté d’aprendre les mots de 15 cette langue. Car ſi pour les mots primitifs chacun ſe ſert de ceux de ſa langue, il eſt vray qu’il n’aura pas tant de peine, mais il ne ſera auſſi entendu que par ceux de ſon pays, ſinon par écrit, lors que celuy qui le voudra entendre prendra la peine de chercher 20 tous les mots dans le | dictionnaire, ce qui eſt trop ennuyeux pour eſperer qu’il paſſe en vſage. Que ſi il veut qu’on aprenne des mots primitifs, communs pour toutes les langues, il ne trouuera iamais perſonne qui veuille prendre cette peine ; et il ſeroit plus aiſé de 25 faire que tous les hommes s’acordaſſent à aprendre la latine ou quelqu’autre de celles qui ſont en vſage, que non pas celle-cy, en laquelle il n’y a point encore de liures écrits, par le moyen deſquels on ſe puiſſe exercer, ny d’hommes qui la ſçachent, auec qui l’on 30 puiſſe acquerir l’vſage de la parler. Toute l’vtilité donc que ie voy qui peut reüſſir de cette inuention,