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Philosophe distrait, amant des théories,
Qui n’ôtes ton chapeau qu’aux madones fleuries,
Quand tu diras toujours que vivre, c’est penser,
Qu’il faut que l’oiseau chante et qu’il nous faut danser,
Et qu’alors qu’on est femme il faut porter des roses,
Tu ne changeras pas le cours amer des choses.
Pourquoi donc nous chercher, nous qui ne dansons pas ?
Pourquoi nous écouter, nous qui parlons tout bas ?
Nous n’allons point usant nos yeux au même livre ;
Le mien se lit dans l’ombre où Dieu m’apprend à vivre.

Toi, qui ris de nos cœurs prompts à se déchirer,
Rends-nous notre ignorance ou laisse-nous pleurer.

Vois, si tu n’as pas vu, la plus petite fille
S’éprendre des soucis d’une jeune famille,
Éclore à la douleur par le pressentiment,
Pâlir pour sa poupée heurtée imprudemment,
Prier Dieu, puis sourire en berçant son idole
Qu’elle croit endormie au son de sa parole.
Fière du vague instinct de sa fécondité,
Elle couve une autre âme à l’immortalité.
Laisse-lui ses berceaux : ta raillerie amère
Éteindrait son enfant… tu vois bien qu’elle est mère.
À la mère du moins laisse les beaux enfants,