Page:Desbordes-Valmore - Poésies inédites, 1860.djvu/55

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 45 —

« Vivez : tous mes pardons à moi, je vous les donne.
« Mais si quelque autre enfant la voix pleine de pleurs
« Vient chanter devant vous, ne souillez plus ses fleurs.
« Paix ! Éloignez d’ici cette musique affreuse…
« Fermez tout… là, c’est bien. Ô Vierge généreuse,
« Je ne veux plus entendre et regarder que vous :
« Oh ! que vous êtes calme !… Oh ! que vous suivre est doux !… »

Puis elle regarda fixe et droit devant elle,
Tandis que de ses yeux la mémoire infidèle
S’effaçait, comme on voit, aux approches du soir,
Par degrés se ternir les clartés d’un miroir.
Un sourire y passa, mais un sourire étrange :
On eût dit qu’auprès d’elle invisible, un autre ange
Détournait de sa bouche, où la vie hésitait,
Une coupe inutile à l’espoir qui mentait.
— « Non, je ne veux plus boire ; assez, cria Laurence,
« Assez, je n’ai plus soif. » Et tout devint silence.

Les pauvres, sur leurs doigts, comptaient ses jeunes jours
Disant qu’elle était sainte, ayant donné toujours.
Toujours elle donnait, cette belle indigente,
Madeleine insultée et comme elle indulgente.
Dans son rêve fuyant sillonné d’un peu d’or,
Elle étendait les mains croyant donner encor.