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« Venez, sortez, courez où sonne le plaisir !
Pourquoi restez-vous là navrant votre loisir ?
Pourquoi déifier vos immobiles peines ?
Venez, la vie est belle, et ses coupes sont pleines !…
Non ? Vous voulez pleurer ? Soit ! J’ai fait mon devoir ;
Adieu ! — Quand vous rirez, je reviendrai vous voir. »

Et je le vis s’enfuir comme l’oiseau s’envole ;
Et je pleurai longtemps au bruit de sa parole ;
Mais quoi ? la fête en lui chantait si haut alors
Qu’il n’entendait que ceux qui dansaient au dehors.

Tout change. Un an s’écoule, il revient… Qu’il est pâle !
Sur son front, quelle flamme a soufflé tant de hâle ?
Comme il accourt tremblant ! Comme il serre ma main !
Comme ses yeux sont noirs ! Quel démon en chemin
L’a saisi ? C’est qu’il aime ; il a trouvé son âme.
Il ne me dira plus : « Que c’est lâche une femme ! »
Triste, il m’a demandé : « C’est donc là votre enfer ?
Et je riais… Grand Dieu ! vous avez bien souffert ! »


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