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RENCONTRE D’UNE CHÈVRE ET D’UNE BREBIS.


Pardon ! n’est-ce pas vous que j’ai vue une fois ? »
Dit, en faisant la révérence,
La chèvre à la brebis de chétive apparence,
Liée et seule au bord d’un bois.

« Vous étiez, si c’est vous, si charmante et si folle
Qu’en vous voyant ainsi je n’osais vous parler.
J’accusais ma mémoire, et j’allais m’en aller
Sans vous adresser la parole. »

Et la brebis, levant sa tête avec effort,
Bêle ce sanglot de son âme :
— « Vous ne vous trompez pas ; c’est… c’était moi, madame ;
Et me voilà !… voilà le sort.

« Quand j’étais blanche et rose, on m’a beaucoup parée.
Aux fêtes du printemps on m’habillait de fleurs ;
On me laissait brouter sur de tendres couleurs,
Et je me croyais adorée.