Page:Desbordes-Valmore - Poésies inédites, 1860.djvu/152

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 142 —


LES PRISONS ET LES PRIÈRES.


Pleurez : comptez les noms des bannis de la France ;
L’air manque à ces grands cœurs où brûle tant d’espoir.
Jetez la palme en deuil, au pied de leur souffrance ;
Et passons : les geôliers seuls ont droit de les voir !
Passons : nos bras pieux sont sans force et sans armes ;
Nous n’allons point traînant de fratricides vœux ;
Mais, femmes, nous portons la prière et les larmes,
Et Dieu, le Dieu du peuple en demande pour eux.
Voyez vers la prison glisser de saintes âmes ;
Salut ! vous qui cachez vos ailes ici-bas ;
Sous vos manteaux mouillés et vos pâleurs de femmes,
Que de cendre et de boue ont entravé vos pas !
Salut ! vos yeux divins rougis de larmes vives
Reviennent se noyer dans ce monde étouffant ;
Vous errez, comme alors, au Jardin des Olives ;
Car le Christ est en peine et Judas triomphant.
Oui, le Christ est en peine ; il prévoit tant de crimes !
Lui dont les bras cloués ont brisé tant de fers !
Il revoit dans son sang nager tant de victimes,
Qu’il veut mourir encor pour fermer les enfers !