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Pour arracher mon cœur à sa peine chérie,
Et distraire du sien la sombre rêverie,
Je cherchais le secours de ces accords puissants,
Qui de plus d’un orage avaient calmé ses sens :
J’essayais, d’une main faible et mal assurée,
Cet art consolateur d’une âme déchirée ;
Je disputais son âme à ses vagues désirs ;
Je ramenais le temps de nos plus doux loisirs ;
Son sourire trompait ma crédule espérance,
Et j’unissais ainsi la ruse à l’innocence.
Dieu ! que je m’abusais à ce calme trompeur !
Pour la première fois son regard me fit peur ;
De ma gaieté timide il détruisit les charmes,
Et ma voix s’éteignit dans un torrent de larmes.
« Non ! dit-il, non, jamais tu n’as connu l’amour ! »
J’ai voulu me sauver… il pleurait à son tour :
J’ai senti fuir mon âme effrayée et tremblante ;
Ma sœur, elle est encor sur sa bouche brûlante.

Sauvez-moi ! sauvez-moi ! De lointaines clameurs
Appellent au rivage une barque tardive.
De l’écho du rocher que la voix est plaintive !
Répondez-lui pour moi : je vous suivrai… je meurs.





ÉLÉGIE


Peut-être un jour sa voix tendre et voilée
M’appellera sous de jeunes cyprès :
Cachée alors au fond de la vallée,