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Qu’y venez-vous chercher ? Courez vers votre mère ;
Portez-lui votre amour, vos baisers et vos fleurs ;
Ces trésors sont pour elle, et pour moi sont les pleurs.
Allez ! sur l’autre rive elle s’est arrêtée ;
Abandonnez vos fleurs au courant du ruisseau :
Doucement entraîné par l’eau,
Qu’un bouquet vous annonce à son âme enchantée.
Vous la verrez sourire en attirant des yeux
Ce don simple apporté par le flot du rivage ;
Et, cherchant à fixer votre mobile image,
Tressaillir à vos cris joyeux !

Je l’aurais vue, au temps où j’excitais l’envie,
Même en vous caressant, rêver à mon bonheur.
Cette suave joie, où se baignait mon cœur,
N’est plus qu’un poison lent distillé sur ma vie.
Mon triomphe est passé, le sien croît avec vous :
C’est à moi de rêver à son bonheur suprême ;
Elle est mère, et je pleure. Ô sentiment jaloux !
On peut donc vous connaître au sein de la mort même !
Mais pour un cœur flétri les pleurs sont un bienfait :
Le mien a respiré du poids qui l’étouffait ;
Celui de votre mère en tremblant vous appelle,
Courez vous jeter dans son sein.
Ce jour est sans nuage, oh ! passez-le près d’elle !
Un beau jour a souvent un affreux lendemain.
Ne foulez plus cette herbe où se cache une tombe ;
D’un ange vous troublez le tranquille sommeil.
Dieu ne m’a promis son réveil
Qu’en arrachant mon âme à mon corps qui succombe.
Dans cet enclos désert, dans ce triste jardin,
Tout semble m’annoncer ce repos que j’implore ;