À DÉLIE
Du goût des vers pourquoi me faire un crime ?
Leur prestige est si doux pour un cœur attristé !
Il ôte un poids au malheur qui m’opprime ;
Comme une erreur plus tendre, il a sa volupté.
Légère, libre encor, d’hommages entourée,
Dans les plaisirs coulent vos heureux jours,
Et, paisiblement adorée,
Vous riez avec les Amours :
Ah ! loin de la troubler, qu’ils charment votre vie !
Que pour vous le printemps soit prodigue de fleurs ;
Que tout prenne à vos yeux ses brillantes couleurs ;
Riez, riez toujours, ô volage Délie !
Abandonnez vos nuits aux songes les plus doux ;
Qu’ils soient de vos beaux jours une glace fidèle ;
À force de bonheur soyez encor plus belle,
Et qu’au réveil l’Amour vous le dise à genoux !
Mais quoi ! si vous trouviez un rebelle à vos charmes,
Après mille serments s’il trahissait vos vœux,
La douce flamme de vos yeux
S’éteindrait bientôt dans les larmes.
Vous sentiriez alors le besoin de rêver,
De livrer au hasard votre marche incertaine,
De ralentir vos pas au bruit d’une fontaine,
Et d’y pleurer les maux que je viens d’éprouver.